Véronique di Benedetto, vice-présidente de Numeum et vice-présidente France d’Econocom dévoile les axes majeurs de l’action de Numeum. L’organisation professionnelle représentative du numérique entend particulièrement être présente sur les terrains de la recherche de talents. Tout en portant un regard novateur sur l’inclusion ou la transition écologique.
Actuelle vice-présidente de Numeum, Véronique di Benedetto met en avant certaines des actions principales de Numeum au cours des prochains mois. Parmi les nombreux challenges que traverse le numérique figurent tout particulièrement ceux liés au recrutement. Mais également à l’inclusion ou bien encore à la place d’une organisation professionnelle du numérique en Europe. Explications.
Comment faire comprendre aux nouvelles générations que le numérique est une voie d’avenir ?
Véronique di Benedetto : Une multitude d’actions sont encore à mener sur l’acculturation autour des usages concrets du numérique. Mais aussi sur leur apport au développement de l’économie, de la santé, de l’éducation, de l’écologie, la sécurité…. L’enseignement de l’informatique doit démarrer dès le plus jeune âge. Et cela, de façon ludique. En expliquant toujours les usages derrière la technologie.
En outre, les jeunes ne voient pas assez la diversité et la richesse des métiers dans le numérique, métiers qui ne sont pas tous liés au développement d’applicatifs, loin de là ! La capacité de comprendre et maitriser la technologie, associée à la connaissance d’un secteur d’activité, ouvre un champ des possibles immense pour chacun. En particulier pour les jeunes publics.
Il convient d’ailleurs de ne pas oublier que l’entrepreneuriat ne passe que par le numérique, tous secteurs confondus. Or lancer sa start-up est un projet de vie pour beaucoup de jeunes… et moins jeunes. Quel que soit le service que l’on souhaite rendre, ou l’expérience d’usage que l’on souhaite faire vivre à son client, cela passera forcément par le numérique.
Comment faire en sorte que davantage de femmes soient présentes dans les entreprises ?
Véronique di Benedetto : C’est effectivement un problème récurrent depuis plusieurs années, et les avancées restent encore timides. Il est vrai que pour attirer plus de jeunes femmes dans les entreprises du numérique, cela nécessite plus de candidates dès le départ. A ce jour l’appétence de jeunes filles pour les formations au numérique est encore trop beaucoup faible. La dernière étude Gender scan 2021 indique que 7% seulement des adolescentes souhaitent s’orienter vers des études numériques. Ce chiffre est beaucoup trop faible.
Il reste donc plus que nécessaire d’agir au niveau de l’éducation. Nous proposons d’infuser le numérique dans l’ensemble des programmes. En formant les enseignants du primaire au lycée. Mais aussi en sensibilisant les prescripteurs, parents et éducateurs à la mixité du numérique.
Quelles sont vos actions concrètes ?
Véronique di Benedetto : Pour avancer plus vite sur la féminisation des métiers dans notre secteur, nous avons lancé il y deux ans, une initiative en partenariat avec Social Builder sur la reconversion des femmes dans le numérique. On le sait aujourd’hui, la reconversion professionnelle est un levier majeur pour intégrer les femmes dans nos métiers.
Le manifeste contient six actions concrètes. Les signataires (aujourd’hui plus de 170) se sont engagés à en réaliser au moins trois autour des critères de recrutement, des dispositifs d’accompagnement et d’intégration, de la mobilité interne, des actions de formation… Les signataires se sont également engagés à communiquer annuellement sur le nombre de femmes reconverties.
Chez Econocom nous avons signé ce manifeste et mis en place des programmes de formation avec Pôle emploi. Nous avons désormais des promotions avec 40% de femmes car nous avons mis l’accent sur elles. Nous nous donnons les moyens d’agir. Cela passe notamment par la création d’un réseau interne avec des rôles modèles. Ou encore la sensibilisation des managers, l’évolution des critères de recrutement… Cela marche et c’est une action qui peut être mise en place tout de suite, par toutes les entreprises adhérentes.
Numeum œuvre au sein de programmes de formation pour favoriser l’inclusion. Comment pérenniser ces initiatives ?
Numeum est impliqué dans des programmes d’inclusion, tant dans le monde du travail, que dans l’éducation pour favoriser l’égal accès au numérique. Pour cela nous avons plusieurs dispositifs autour de la formation initiale (avec Day click, P Tech ou Talents du numérique). Nous encourageons toutes les actions autour de l’acculturation au numérique de toutes et tous, à tous les âges. Le maillage territorial est essentiel pour toucher l’ensemble des publics aujourd’hui éloignés du numérique.
Nous avons été moteurs dans la création de la grande Ecole du numérique et nous pensons qu’il faut désormais lui donner plus de moyens en faisant passer à l’échelle le plan 10 000 formations. De même au titre de la formation professionnelle nous avons, comme déjà évoqué, lancé le manifeste de la reconversion des femmes, ainsi que le dispositif « Numéric Emploi » pour reconvertir des chômeurs en recherche de nouvelles voies d’avenir professionnel dans le numérique. Ce dispositif a été lancé dans le grand Est avec succès. Il s’agit désormais de le généraliser au niveau national.
La pérennisation de toutes nos actions sur le long terme passe par l’engagement des adhérents et par une politique concertée avec les pouvoirs publics, l’éducation nationale, les écoles et les organismes de formation.
Comment contrebalancer le discours négatif relatif au numérique alors qu’il constitue un relai de croissance conséquent ?
Le numérique n’est ni bien ni mal en soi. Il porte son lot de dérives comme d’espoirs pour la société mais il est souvent considéré comme asservissant, manipulateur, intrusif …. Ce côté « noir » du numérique existe, Numeum ne l’occulte surtout pas, et s’inscrit avec l’Europe et les pouvoirs publics français, dans la définition d’un cadre de confiance indispensable pour nos concitoyens et nos entreprises.
Mais il faut aussi considérer le numérique comme une chance pour notre réindustrialisation, pour l’emploi (plus de 700 000 emplois liés au numérique et aux technologies dans les 15 années à venir) pour l’éducation pour tous (MOOC, e-learning) pour la transition écologique.
Selon la Global Enabling Sustainability Initiative (GeSI), les émissions réduites ou évitées d’ici à 2030, grâce à une plus grande utilisation des technologies et solutions numériques pourraient être sept fois plus importantes que les émissions du secteur numérique en lui-même. Ce constat n’empêche pas de viser la maitrise de l’impact des outils du numérique et donc un numérique plus sobre dans sa conception et son utilisation.
Soyons réalistes. Plus personne aujourd’hui n’aurait envie de se passer de son smartphone. Ni d’ailleurs de ses outils numériques pour accéder à une foultitude de services qui facilitent la vie. La crise sanitaire a renforcé cette analyse. En particulier avec les accès à la santé, à l’éducation, à ses proches ou à son activité professionnelle. Il nous fait donc dépasser ces débats du bon ou mauvais numérique. Je recommande de travailler pour un numérique responsable et de confiance dans un cadre règlementaire transparent et sécurisé. Ensemble, nous pourrons alors bâtir des politiques d’emploi, d’industrialisation, d’éducation, de santé nouvelles. Elles s’appuieront sur ce numérique au service de l’humain et de la société.
En tant qu’administratrice de Numeum, quel rôle l’organisation doit jouer dans les grands débats européens ?
Numeum se doit d’être présent dans les débats européens pour apporter son poids et sa vision. Les enjeux à venir sont stratégiques. Plusieurs d’entre eux doivent être traités au niveau européen, pour arriver à créer un marché unique numérique. Mais aussi pour faire émerger un cadre privilégié pour l’innovation en Europe. Ou bien encore pour travailler dans un environnement de confiance avec des règles communes et loyales.
“Nous devons faire de la décennie qui s’ouvre la décennie numérique de l’Europe” a ainsi annoncé Mme von der Leyen dans son discours sur l’état de l’Union, le 16 septembre 2020. D’ailleurs 20 % des 750 milliards d’euros prévus dans le plan de relance européen financent le secteur numérique. Et cela, dans tous les Etats membres.
Parmi nos multiples actions en cours, outre notre participation active au projet Gaia X, nous militons pour la création d’une cyber-police européenne spécialisée. Celle-ci doit être dotée de moyens importants en hommes et matériels. La sécurité est un sujet clé pour créer cet environnement de confiance que nous souhaitons voir émerger en Europe. Les sujets sont nombreux (IA, innovation, transition écologique, circulation et protection des données…). Nous ne manquerons pas, dans le cadre de la PFUE de les porter aux plus hauts niveaux pour porter notre voix dans les débats.