Chaque entreprise peut développer son attention en direction de son empreinte environnementale. Face à ce défi permanent, les professionnels œuvrent à la transition écologique comme un catalyseur d’innovation. Mais également pour développer de nouveaux outils basés sur l’éco-conception.
Il est désormais admis que le numérique doit s’avérer responsable. Cette obligation doit toutefois se concevoir non pas comme une obligation mais comme une opportunité. Elle doit en effet servir de catalyseur d’innovation. Dans ce cadre, mettre en place des process permet une éco-conception des produits est devenu un impératif pour toute entreprise. De nouveaux paradigmes émergent pour limiter les impacts liés au numérique.
Sara Boucherot, Change Maker numérique responsable d’Octo Technology explique : « A l’avenir, ne seront produits que des produits exclusivement éco-conçus. Nous formons massivement les équipes pour les sensibiliser aux enjeux du numérique responsable. La notion de numérique sous contrainte est de plus en plus comprise par les professionnels. Nous assistons à une croissance exponentielle dans le recours à certains terminaux mais on arrive à une finitude de leur utilisation. En prenant en compte les impacts liés au numérique, l’enjeu est de créer du numérique dans la contrainte qui génère une manne de créativité. »
Selon la responsable, la période actuelle se révèle intéressante dans la mesure où elle permet de s’orienter vers une sobriété numérique certaine. D’autres approches comme l’innovation frugale ou le BIM ont également vocation à se développer. Pour ce faire, il revient aux directions des entreprises de prendre conscience des enjeux du numérique responsable.
Vers la réutilisation des matériels
Alors que le nombre d’équipements en circulation continue d’augmenter, l’une des alternatives pertinente est de définir une stratégie de réutilisation de ces derniers. Marion Graeffly, Co-fondatrice de TeleCoop & membre du collectif FairTEC explique : « Nous avons créé une coopérative pour que chacun se réapproprie les usages mobiles. Notre optique est de faire des matériels électroniques un bien commun avec des services additionnels. Nos études montrent que les Français changent de smartphone alors que dans 88% des cas, ces derniers fonctionnent encore. »
Le collectif entend donc pousser les entreprises à agir différemment, en faveur d’une meilleure réutilisation de leurs matériels. Pour y parvenir, elles doivent être incitées à agir différemment pour créer un véritable écosystème de valeur ainsi que des alternatives pertinentes. De nouvelles manières de penser existent donc. Quitte à devoir imaginer de nouvelles manières de consommer ou d’utiliser les matériels.
Benjamin Ninassi, Chef de projet Informatique au sein de la Direction Générale Déléguée à la Science de l’INRIA ajoute : « A l’heure actuelle, certains freins au recyclage existent tek que la course à la miniaturisation. Il ne faut surtout pas tomber dans un paradoxe de créer de nouveaux usages trop consommateurs. Il faut, au contraire, se demander quels sont les besoins réels liés au numérique. Et questionner leur utilité au regard du obligations liées au développement durable. »
Il convient dès lors d’appliquer des logiques FAIR sur les données pour éviter, par exemple, de réplications inutiles de données. Ou bien encore réfléchir collectivement à appliquer à chaque contenu une sorte de droit à l’oubli pour « nettoyer » des médias qui occupent de la place et consomment de l’énergie.
éco-conception : les bonnes pratiques
Alors que les entreprises se saisissent de ces nouvelles opportunités, certaines bonnes pratiques peuvent être mises en place. L’idée étant de disposer des meilleures options pour éco concevoir les services numériques. Marie Chevallier, Consultante Numérique Responsable pour Greenspector commente : « Il faut résolument partir en premier lieux des besoins exprimés. Nous mettons en avant le principe de sobriété afin d’aller vers l’efficience dans la conception. Pour cela, nous disposons d’une boîte à outils allant des méthodes agiles au Design Thinking tout en passant par l’optimisation de l’UX/UI. »
Il est par exemple imaginable d’identifier les parties non-utilisées d’un site, de supprimer une animation inutile ou un déclenchement automatique. Des gains de 50% en termes de ressources utilisées ou de batterie consommée peuvent ainsi être notifiées depuis un smartphone. De telles démarches peuvent alors réussir dans la mesure où elles s’inscrivent dans une véritable démarche globale s’inscrivant dans le temps. Chaque entreprise doit alors être en mesure de se remesurer et se remettre en question régulièrement.
Christophe Clouzeau, Expert UX et Éco-conception numérique chez Temesis explique : « En matière de Green UX, il existe de nombreuses bonnes pratiques génériques ou liées à une technologie particulière. Certains acteurs vont également réfléchir à élaborer des solutions propres, en fonction des secteurs dans lesquels ils opèrent. Le problème demeure qu’il existe certes un label concernant numérique responsable. Mais rien ne concerne les services à proprement parler. Il existe pourtant une véritable demande en la matière. »
Stratégie d’achats numériques responsables : outils et méthodes d’éco-conception
Pour disposer d’une stratégie résolument tournée vers la transition numérique et écologique, chaque entreprise se doit de conduire une stratégie d’achats idoine. Alors que le mouvement continue de se développer fortement aux Etats-Unis, certaines entreprises en France mettent en avant l’achat numérique responsable en tant que métrique clé.
En effet, de nombreux facteurs peuvent permettre de réduire les consommations. Le choix de l’équipementier, la filière (neuf ou reconditionné), la durée de conservation, la fin de cycle. Sur ces volets, de nombreux leviers peuvent encore être actionnés. De même, la filière du reconditionnement doit permettre de développer de nouvelles alternatives probantes.
Christian Cor, cofondateur de Saaswedo explique : « Les appels d’offres auxquels nous répondons actuellement intègrent des volets conséquents et des poids significatifs au sujet de la RSE. Notre plateforme permet de savoir si un matériel est neuf ou reconditionné. Nous savons également ce que fait l’entreprise en fin de cycle. Ce volet est utile pour quantifier l’ensemble de la chaîne carbone depuis la naissance d’un produit jusqu’à sa fin. Notre idée est de confronter des objectifs d’entreprise de conservation et de les confronter à la réalité. Cela permet de se rendre compte à quel point le matériel est renouvelé ou non.«
Vers de nouveaux labels
Un autre point permettant de développer une stratégie de transition écologique est d’être intégré au sein d’un label. Christian Cor ajoute : « Les labellisations demandent du temps et requièrent de l’énergie. Mais il permet au gestionnaire d’avoir les moyens de retraiter ses produits, de reconditionner le matériel via des process définis. »
Ces process peuvent également avoir des visées orientées davantage vers le business. Lorraine le Baud, Administratrice et Présidente du comité de labellisation RCUBE explique : « Les achats numériques responsables permettent à une entreprise de diminuer ses coûts en termes de consommation électrique. Une alternative peut alors de s’orienter vers des services de location plutôt que d’achat/investissement. De même, les appels d’offres incluent de plus en plus de clausiers environnementaux et sociaux. C’est pourquoi nous recommandons d’éviter la production de déchets et de favoriser le réemploi des objets. »
Une position partagée par certaines grandes entreprises au titre desquels on compte la SNCF. Xavier Verne, Directeur Adjoint Numérique Responsable explique : « Le matériel est encore vu comme un consommable alors que nous devons passer à un modèle dans lequel il doit être vu comme un asset commun qu’il convient de préserver. On parle alors de transformation culturelle en cours. C’est l’enjeu des prochaines années. »