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Reconnaissance faciale et IA : la régulation nuit-elle à l’innovation ?

L’implémentation encadrée de dispositifs de reconnaissance faciale est un terreau fertile pour l’innovation. Nourris par des algorithmes d’intelligence artificielle, ces outils permettent de créer de nouveaux services dans le domaine du paiement, de la sécurité ou de l’authentification. Pour autant, une mise sous le boisseau trop stricte de la technologie risque de nuire à sa capacité d’innovation.

Des nouvelles technologies de paiement à la Smart City en passant par l’étude des comportements naturels humains, la reconnaissance faciale offre un champ des possibles considérable. Un terrain sur lequel l’innovation est durablement implantée et permet à de nouveaux services de se développer. Ce type d’outils novateur autorise à son tour l’édition de solutions à forte valeur ajoutée.

La reconnaissance faciale nourrie à l'IA est un terreau fertile pour l'innovation

Ces atouts doivent logiquement être développés dans le respect d’un cadre réglementaire souple instaurant certes des garde-fous mais laissant une place de choix à l’innovation. La problématique est d’actualité. La nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von Leyen, entend dévoiler un projet de règlement sur le sujet. Le document fournit une « approche européenne coordonnée sur les implications humaines et éthiques de l’intelligence artificielle ».

Une logique similaire au RGPD

L’Europe compte ainsi réguler l’utilisation de la reconnaissance faciale. Son objectif est de permettre aux citoyens de savoir comment leurs données sont utilisées. Un principe général serait ainsi édité auquel seraient adossées des exceptions « étroitement circonscrites ». S’il est donc question d’introduire un cadre global, la Commission européenne pourrait être tentée par une restriction du recours à la technologie par les entreprises.

La Commission européenne pourrait être tentée par une restriction du recours à la technologie par les entreprises

L’idée conductrice de la doctrine européenne serait d’appliquer une sorte de cadre général proche de la logique du RGPD, appliqué à la reconnaissance faciale. Reste que ce corpus de règles devra, sans conteste, demeurer suffisamment flexible sil ne veut pas limiter l’innovation dans ce secteur à une portion congrue.

Les leaders de l’IA en faveur d’une Smart Regulation

Dans ce challenge permanent mêlant innovation technologique, préservation des données personnelles et régulation, les leaders de l’intelligence artificielle et de la reconnaissance faciale ont déjà pris les devants. C’est le cas notamment de Facebook. Le réseau social a ainsi récemment pris sur lui de modifier ses conditions d’utilisation afin de préserver ses propres utilisateurs.

Facebook demande à présent aux internautes leur consentement pour activer la reconnaissance faciale sur sa plateforme. Le paramètre autorise le signalement automatique de la présence d’un utilisateur sur le cliché d’une autre personne. Ainsi, plusieurs personnes présentes sur une même photographie peuvent être reconnues et taggées comme tel. La possibilité offerte de désactiver cette fonction était déjà disponible à l’ensemble des internautes inscrits au réseau social. Toutefois, Facebook a fait le choix de rendre la procédure plus simple et davantage accessible. Enfin, pour les nouveaux utilisateurs, les outils de reconnaissance faciale seront inactifs par défaut.

Dans un communiqué, le groupe précise que la reconnaissance faciale permet notamment d’éviter le phénomène d’usurpation d’identité sur sa plateforme. Facebook transmet en effet à l’utilisateur une notification lorsque son propre visage est détecté sur la photo d’une autre personne. De même, la société précise que les données personnelles sont chiffrées et ne peuvent donc être utilisées par des tierces parties.

Google demeure également prudent

Le groupe de Mountain View a récemment mis en garde, par la voix de son PDG contre les ambitions de scléroser la réglementation sur le sujet. Sundar Pichai prône ainsi une sorte de Smart Regulation permettant d’adapter la législation aux technologies actuelles. Il précise à ce titre qu’il : « s’agit d’une technologie transversale tellement large, il est donc important d’examiner davantage la réglementation dans certaines situations verticales. » Son idée revient donc à ne pas imposer de réglementation générale trop forte et de favoriser ainsi les volets sectoriels. En attendant, la société demeure prudente, quitte à arrêter certains programmes tests.

Amazon enfin, a aussi pris les devants en la matière. Le groupe de Jeff Bezos entend également élaborer une série de règles internes visant à cadrer l’utilisation de la reconnaissance faciale pour les produits maison. La firme développe en effet son propre outil baptisé Rekognition, lequel utilise l’intelligence artificielle.

Dans ce cadre, Amazon pose les jalons d’une nouvelle réglementation sur le sujet, laquelle sera présentée aux législateurs américains. Une action qui va dans le sens d’une meilleure compréhension du sujet par l’ensemble des utilisateurs.

L’Union européenne consulte des experts

Récemment, la Commission européenne a étudié les résultats transmis par un groupe d’experts sur la question de l’utilisation de la reconnaissance faciale. Ces derniers préconisent de faire mentionner nommément au sein de chaque service les utilisations permettant d’identifier des utilisateurs. L’objectif étant de leur permettre de formuler un consentement valable et vérifié à l’identification automatique.

Toujours est-il que peu de pays européens ont encore adopté à ce jour de véritables stratégies en la matière. La France et l’Allemagne font ainsi figure d’exception. L’Hexagone tente ainsi d’avancer sur le sujet en demandant notamment davantage de transparence auprès des acteurs marché de l’intelligence artificielle.

Ces technologies  » ne doivent en aucun cas venir entraver la liberté de parole ou de rassemblement… »

Du côté de la Commission européenne, la question demeure également en suspens. Margrethe Vestager, vice-présidente de la Commission européenne en charge de la Concurrence et du Numérique, n’a pas réellement dévoilé de position propre au sujet d’une interdiction ou non de la reconnaissance faciale.

La responsable précise que ces technologies  » ne doivent en aucun cas venir entraver la liberté de parole ou de rassemblement, comme certains ont pu le dénoncer à Hong-Kong. Je constate aussi que des Etats américains y ont renoncé après l’avoir testé en estimant qu’elle n’est technologiquement pas encore assez fiable.« 

L’idée est donc résolue d’adopter une position de compromis sur le terrain de la reconnaissance faciale. Un choix patient emprunt de prudence en particulier dans l’espace public.

La CNIL en attente de précisions

La Commission Nationale Informatique et Libertés rappelle que la reconnaissance faciale ne doit pas être confondue avec la détection de visage. Cette dernière « caractérise la présence ou non d’un visage dans une image indépendamment de la personne à qui il appartient », précise l’autorité. La reconnaissance permet ainsi d’authentifier une personne et de « vérifier qu’une personne est bien celle qu’elle prétend être (dans le cadre d’un contrôle d’accès) ou de la retrouver au sein d’un groupe d’individus, dans un lieu, une image ou une base de données ».

La CNIL souhaite à ce titre que le législateur se penche sur de nouvelles réglementations en matière de vidéo-surveillance. Elle souhaite à ce titre que les résultats d’expérimentations grandeur réelle, comme celle réalisée par la ville de Nice, soient totalement transparentes. Ce test visait à vérifier la capacité d’un logiciel de traitement des flux vidéo à effectuer de la reconnaissance faciale à la volée de 50 personnes volontaires.

De son côté, le Gouvernement entend cette volonté d’expliciter clairement le fonctionnement de la technologie. Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a récemment souhaité que s’ouvre un débat sur la reconnaissance faciale utilisée pour la vidéosurveillance. L’objectif est ainsi d’instaurer des garde-fous en la matière.

De prochaines échéances mondiales de taille

La reconnaissance faciale et l’intelligence artificielle constituent sans conteste des technologies fortes. Les Etats-Unis ainsi que la Chine ont d’ores-et-déjà réalisé de lourds investissements en la matière afin de développer et d’implémenter ce type de technologie au sein des villes ou même des universités de leur pays respectifs.

Un mouvement de taille. D’autant que des événements exogènes d’envergure internationale devraient permettre à ces technologies de prendre un nouvel essor. Les prochains Jeux Olympiques de Tokyo en 2020 feront recours à la reconnaissance faciale afin de vérifier les identités de millions de visiteurs. Pas moins de 300 000 personnes seront ainsi sur place lors de ce grand raout du sport mondial.

En France, la technologie devrait également être présente lors de JO de Paris de 2024. La reconnaissance faciale permettra ainsi d’identifier les accrédités, comme cela se fera lors des Jeux de Tokyo 2020.

Olivier Robillart