Les études qualitatives sont formelles, dans leur grande majorité (près de 90%), les entreprises ont mis en œuvre des dispositions suffisantes pour le passage au prélèvement à la source. A présent que le système est en marche, vient le moment de la pédagogie et de répondre aux questions. Un travail permanent auquel se livrent les éditeurs.
Publiée en novembre 2018, une étude conduite par Cegid a démontré que, dans leur immense majorité (86%), les professionnels avaient entamé la phase de mise en conformité relative au prélèvement à la source. Chacun était alors en mesure d’éditer des fiches de paie qui font apparaître non seulement le montant de l’impôt devant être réglé mais aussi le taux ainsi que le net à payer.
C’est donc dans l’ensemble pas moins de 90% des répondants (3 050 interrogés entre le 16 octobre et le 6 novembre 2018) qui avaient d’ores et déjà mis en place la phase dite de préfiguration permettant de faire figurer de manière fictive le montant prélevé à partir du 1er janvier 2019 sur le bulletin de paie de ses salariés.
Malgré cette prise de conscience, les premiers mois de l’année s’avèrent critiques pour les éditeurs de logiciels de paie. Il leur faut en effet « essuyer les plâtres » de la réforme et répondre aux multiples questions et besoins d’ajustement des professionnels. Un travail de pédagogie mais également de minutie pour intégrer les derniers éléments votés dans le cadre du Projet de loi de Finances pour 2019.
Un véritable casse-tête juridique a en effet été amorcé dans les dernières semaines de l’année passée. Certains points fiscaux n’ont trouvé de solutions que tardivement, et ont donc dû être intégrés rapidement pour les éditeurs, afin de valider les systèmes de paie de janvier. A ceci, s’ajoutent les traditionnelles phases de tests et de mises à jour. Un travail permanent pour à présent répondre aux questionnements des entreprises.
« Nos équipes d’assurance se transforment en chargés de la pédagogie »
Comment expliquer aux clients les transformations affichées sur les différents bulletins de paie ? Pour Thierry Hardion, directeur produit chez Isagri : « Le taux de sollicitation de notre assistance téléphonique montre que, dans l’ensemble, les entreprises sont préparées. Nos équipes d’assurance se transforment en chargés de la pédagogie. Nous avons bénéficié d’un délai d’anticipation qui nous a permis d’anticiper les éventuels problèmes afin de pouvoir tranquilliser nos clients au plus tôt. Cela a été efficace car nos process étaient prêts dès l’été 2018 ».
Les principales attentes des clients vont ainsi naturellement sur des questions relatives à la complexité apparente du dispositif. Selon l’éditeur Berger-Levrault, la majorité des questionnements portaient également sur la sécurisation des dispositifs ainsi que sur la préfiguration correcte des montants… Autant de questions auxquels chacun doit répondre.
Le prélèvement à la source ne constitue pour autant pas la seule interrogation que portent les entreprises à l’attention des éditeurs. D’autres mesures réglementaires, comme la mise en application de la facture électronique à compter du 1er janvier 2019 pour les PME dans le cadre de la loi anti-fraude, contre la fraude à la TVA sont également source d’inquiétudes.
Un engorgement de la réglementation
Conséquence directe de la transformation numérique des professionnels, les réglementations se traduisent dans les faits par un traitement au sein même des logiciels. Les éditeurs sont devenus de facto des vecteurs des modifications réglementaires successives. Un point qui peut susciter l’incompréhension.
« Notre rôle est d’appliquer ces modifications, et non pas de les justifier. De leur point de vue, nos clients nous reprochent de produire de nouvelles obligations, d’ajouter de la complexité. Alors que nous n’avons tout simplement pas le choix. Nous avons alerté les administrations sur le sujet de la surcharge réglementaire qui serait au détriment de la mise en application du prélèvement à la source. Il faut qu’elles comprennent qu’il faut laisser aux éditeurs le temps de préparer correctement les changements », confie Thierry Hardion.
C’est pourquoi, le pic de janvier fait, dans certains cas, exploser le nombre d’appels dans les assistances téléphoniques. Les entreprises devant naturellement être rassurées quant à la bonne tenue des prélèvements afin qu’à leur tour, elles puissent correctement informer leurs propres salariés.
Comment informer correctement les salariés… et les former
Outre les entreprises, les salariés ont également droit à être informés des modifications opérées sur leur feuille de paie. C’est pourquoi, la majorité des questionnements portent sur des paramètres d’ordre fiscaux. Là encore, communication et pédagogie sont les éléments les plus évidents de la compréhension du prélèvement à la source.
Pour Anne Lemarchand, avocate spécialisée en droit social au groupement de cabinet de conseil en droit d’affaires 140RH , la formation juridique des collaborateurs ne doit pas être négligée. Elle précise : « Il faut comprendre que la prélèvement à la source ne va se faire que sur les revenus imposables. Par exemple, sur les indemnités journalières de la Sécurité sociale, les avantages en nature… alors que certaines indemnités de rupture n’entrent pas dans le même cadre. Les employeurs vont avoir besoin de conseils sociaux et fiscaux. Il s’agit de connaître et établir l’assiette à partir desquels ils devront ou non prélever ».
Les experts recommandent à ce titre de programmer des rendez-vous avec des intervenants des services de paie. Mais aussi d’organiser des formations spécifiques avec des fiscalistes. L’objectif est d’identifier ce qui sera ou non soumis à prélèvement. « Lors de nos visites préliminaires auprès des entreprises, nous avons vu de grands comptes qui n’étaient pas encore informés de certains points majeurs, et devaient se mettre en conformité avec le Code général des impôts », ajoute Anne Lemarchand.
Pour tout comprendre, à chacun son chatbot
Pour éviter les pertes de temps ou de congestionner inutilement les services d’assistance téléphonique. Certains éditeurs ont fait le choix de proposer des chatbots. Il s’agit de services en ligne de réponse instantanée aux questions les plus courantes relatives au prélèvement à la source.
C’est le cas de Cegedim et de Chloé, dont la fonction est de répondre aux attentes des salariés. Pour sa mise en place, il a dû en amont être éprouvé par les équipes en charge de la conformité. Mais aussi être validé par les juristes. Il est aussi passé par une phase d’entraînement auprès des collaborateurs de l’éditeur. Le robot produit à présent des réponses développées grâce à l’intégration de fonctions de Machine learning. Il peut donc constamment s’améliorer à mesure qu’il fournit des solutions.
De son côté, Cegid a mis sur pied des chatbots pédagogiques. Ils sont spécifiquement programmés pour répondre à toutes les demandes relatives au prélèvement à la source. Là encore, l’IA permet au service en ligne de littéralement apprendre de ses erreurs et de tirer ses propres diagnostics. L’installation de ces chatbots est désormais rapide et permet un gain de temps précieux. De quoi œuvrer à la paix des entreprises… et des salariés.
Selon l’éditeur, l’avantage du chatbot est donc évident. Pascal Houillon, directeur général de Cegid, rappelle à ce titre que « Les questions sont souvent les mêmes. Et ce même si les informations sont disponibles sur nos knowledge data bases. Les utilisateurs peuvent encore rencontrer des difficultés à aller là où l’information se trouve. Le chatbot permet de rapporter les réponses à partir de nos bases de données avec davantage de rapidité ». Un gain de temps pour une confiance réaffirmée envers les systèmes comptables.
A noter que le sujet est particulièrement abordé par l’organisation professionnelle TECH IN France. L’association rassemble près de 350 sociétés adhérentes lesquelles livrent leurs expériences et partagent leur expertise à propos de la fiscalité du numérique. L’organisme dispose également d’un groupe de travail dédié à la thématique.
Olivier Robillart