Le marché mondial des Legaltech est en pleine croissance. La France et plus largement l’Europe sont des régions dans lesquelles de véritables pépites tricolores comme Yousign ou Doctrine se développent. Et ce avec réussite et de forts potentiels d’hyper-croissance.
Les acteurs du marché français des Legaltech se développent. Déjà auteurs de croissances fortes, ces sociétés sont pour le moment absentes du classement Next40 annoncé par le gouvernement. Elles constituent pourtant un cœur d’innovation visant à transformer les process en cours via la digitalisation ou l’accessibilité des documents juridiques et administratifs.
Selon les derniers chiffres publiés par l’Observatoire permanent de la LegalTech, la France comptabilise environ 180 entreprises opérantes dans le domaine. Un écosystème complet dune valeur de 40 milliards d’euros rien que pour le territoire national. Une véritable manne permettant à des acteurs respectables de se développer tout en affichant des résultats en hyper-croissance.
Le secteur est ainsi en train de se structurer fortement. Pour cause, les levées de fonds sont, jusqu’à présent, demeuré encore faibles. Les sociétés du domaine n’ont en effet réussi à lever que la somme de 24,6 millions d’euros en 2018 en cumulé. Un montant encore relativement faible mais en nette progression. Ces levées n’étaient ainsi que de 12,8 millions en 2017 et de 9,4 millions en 2016.
Une structuration en cours
Dans ce concert, Doctrine représente sans conteste une réussite. La société est ainsi parvenue à mener un tour de table à hauteur de 10 millions d’euros l’an dernier. Pour autant, cette réussite cache de nombreuses difficultés pour les entreprises des Legaltech. Nicolas Bustamante, PDG et co-fondateur de Doctrine explique que le secteur peut s’avérer réticent à l’émergence de nouveaux acteurs.
Il précise : « On constate que lorsque l’on se lance dans un marché extrêmement concentré, les réactions engendrent des comportements du type « David contre Goliath », ce qui n’est in fine bénéfique pour personne. Qui plus est lorsqu’un acteur nouvel numérique entre sur le marché, cela tétanise, cela fait peur. Pour la raison simple que des entreprises établies peuvent craindre d’être ringardisées. En réalité, ces mêmes sociétés n’exercent jamais réellement la même activité que la start-up qui vient d’éclore sur leur marché. Elles peuvent donc se concentrer sur leur propre valeur ajoutée ».
Ces sociétés signent ainsi de belles croissances alors même qu’une bonne partie d’entre elles sont encore limitées dans leur développement par un cadre réglementaire trop restreint ou des clients encore trop peu sensibilisés aux problématiques juridiques. Des entraves qui n’empêchent cependant pas la forte progression puisque Doctrine revendique disposer d’un avocat sur quatre comme client en France en tant qu’utilisateur de son moteur de recherche compilant 9 millions de décisions.
Vers une structuration forte… et de nouvelles levées de fonds
Nombre de sociétés œuvrant dans le domaine des Legaltech sont donc en phase de structuration. Elles renforcent leur structure et recrutent très régulièrement de nouveaux collaborateurs. Doctrine a, par exemple, au cours des douze derniers mois, doublé ses effectifs qui comptent 90 personnes aujourd’hui. La tendance est identique du côté de Yousign, société spécialisée dans la signature électronique, qui compte à présent 38 personnes travaillant en son sein.
Cette dernière pépite française, qui totalise à ce jour pas moins de 1500 clients de toutes tailles annonce être en hyper-croissance de 100%. Portée par un réel besoin en termes de dématérialisation et de numérisation, la société basée à Caen opère à présent dans un marché dont la maturité doit encore être prouvée.
Quand le juridique va plus vite que le business
Luc Pallavidino CEO et co-fondateur de Yousign, explique : « Pour une fois, le juridique et le réglementaire sont allés plus vite que le marché. Les textes sont même harmonisés au niveau européen. Les freins au développement sont davantage naturels et psychologiques. Nous opérons sur un marché qui n’est pas encore mature, mais qui le sera dans 4 ou 5 ans. Nous assistons cependant à la concrétisation d’une tendance forte. Lorsqu’un client adopte la signature électronique, il ne revient jamais en arrière et ne repasse plus par le papier. C’est ainsi qu’opèrent l’ensemble des process de dématérialisation ».
Le règlement européen eIDAS traite en effet pour grande partie des questions relatives à la signature électronique. Il permet de certifier des entreprises dans l’utilisation d’outils de ce type et de les proposer dans l’ensemble de l’Europe. Une opportunité pour les acteurs français du secteur pour proposer leurs solutions au-delà du marché local. « Nous sommes actuellement en phase de tests pour comprendre les attentes des marchés britanniques, allemands, italiens et espagnols et leur degré de maturité pour adopter notre discours et nos produits. En Europe, le taux d’adoption est encore faible (moins de 1%). Cela ouvre de belles perspectives de croissance car la profondeur d’action est importante », précise le dirigeant.
C’est pourquoi Yousign continue de développer son offre en Europe en préemptant certains marchés pouvant être tentés par des solutions étrangères de type Docusign ou Adobe Sign. Actuellement, il existe des scale-ups européennes dont le potentiel de croissance est important. Portées par le RGPD ou par les craintes vis-à-vis du Patriot Act, les clients se situent désormais dans une phase de compréhension des enjeux.
Scaler sans exploser
L’ambition pour les tenants de la Legaltech est désormais de poursuivre leur accélération. « L’enjeu pour nous est de scaler sans exploser. Nous souhaitons passer par une phase d’accélération tout en maîtrisant nos process. L’objectif étant in fine que les équipes soient pleinement épanouies. Le facteur de réussite est lié à l’humain », explique Luc Pallavidino CEO et co-fondateur de Yousign.
La société ambitionne de devenir le leader européen de la signature électronique. Elle n’a pourtant pas encore défini d’objectifs en termes de levée de fonds. Pour accompagner sa croissance, elle a fait le choix de se rapprocher d’un studio de start-up. L’idée est de l’aider dans sa stratégie opérationnelle.
De son côté, Doctrine a toujours laissé entendre, qu’elle serait appelée à conduire de nouveaux tours de table. En partie grâce à sa croissance forte et à son modèle pérenne. La société précisait à Les Echos que « la question du choix de notre partenaire repose sur sa capacité à apporter une vraie plus-value. Mais aussi une dimension internationale. Surtout si nous voulons aller aux Etats-Unis, qui est l’endroit à conquérir pour devenir un géant mondial ».
Olivier Robillart