Actuel président de TECH IN France, Pierre-Marie Lehucher, PDG de l’éditeur Berger-Levrault, fait le bilan d’une année riche pour l’association représentative de la tech et de l’innovation en France.
Quel bilan tirez-vous de l’action du Gouvernement et qu’attendez-vous de son successeur, Cédric O ?
L’ex-secrétaire d’Etat en charge du numérique Mounir Mahjoubi avait fait montre d’un dynamisme certain sur nos sujets, avec un accent mis sur les enjeux sociétaux. Nous lui en sommes évidemment reconnaissants. Toutefois, de nombreux chantiers demeurent ouverts. Sur le volet économique, nous mesurons déjà l’implication forte de Cédric O en tant que nouveau secrétaire d’Etat, sur ces sujets, en particulier dans le cadre du Pacte productif initié par le Président de la République et pour lequel nous souhaitons nous mobiliser.
Il est essentiel de remettre les ETI ou Scale-ups au cœur de nos ambitions. Le rôle et l’importance des start-ups en matière d’innovation n’est plus à démontrer. Elles ne sont cependant pas les seules à porter nos couleurs. Surtout si on raisonne en termes de croissance, d’emploi et d’international.
Or ces entreprises de taille intermédiaire, qui ne sont pas assez nombreuses en France comparativement à l’Allemagne ou l’Amérique du Nord, ont besoin d’être davantage soutenues, en commençant par en reconnaître l’importance. Cela fait partie des messages que nous relayons auprès du ministre, pour développer une offre industrielle dans le monde de la tech et du logiciel français.
Comme le démontre les dernières grosses levées de fonds, les 20 ou 30 futures licornes françaises qui émergeront dans les prochaines années sont de ces entreprises qui grandissent souvent dans l’ombre, issues du B2B ou du SaaS, sur des métiers en pleine recomposition. C’est ici en particulier que réside l’excellence numérique française.
Par quels moyens souhaitez-vous agir ?
TECH IN France travaille depuis plusieurs années à identifier les leviers disponibles ou à inventer, et partage ses propositions avec les décideurs publics dans le cadre d’un dialogue qui reprend actuellement de la vigueur. TECH IN peut faire rejaillir des pistes pour développer des solutions durables en France et sur l’ensemble du territoire européen. Car le bon échelon est certainement européen sur de nombreux sujets.
La nouvelle secrétaire d’État aux Affaires européennes, Amélie de Montchalin, a récemment admis qu’il n’était pas possible de se contenter d’un plan d’action de développement industriel exclusivement franco-français. Pour que les start-ups, PME, ETI et grands groupes soient compétitives en Europe, les programmes d’innovation doivent définir de nouveaux cadres.
Quelle vision souhaitez-vous imprimer à votre mandat en tant que président de TECH IN France ?
TECH IN France rassemble de nombreuses ETI et scale-ups en France. J’ai souhaité impulser une dynamique nouvelle sur ce sujet au sein de TECH IN. Cela se traduit par un groupe de travail avec notre partenaire KPMG. Il doit déboucher sur un diagnostic et des propositions concrètes. Nous impliquons également nos partenaires investisseurs en animant différents ateliers auxquels participent nos membres représentatifs de cette catégorie d’acteurs.
Notre initiative dans le domaine de l’intelligence artificielle, l’AI France Summit organisé avec la DGE et le CGET, ou sur le TECH for Good pour lequel nous avons réalisé une étude d’ampleur avec PwC sont également des axes sur lesquels il m’a semblé utile que nous renforcions notre action.
La crise des Gilets jaunes a enfin démontré que chacun devait pouvoir s’exprimer. Cela dans une démarche démocratique dont le numérique ne peut plus être absent. A l’avenir, il serait formidable de développer une plateforme qui permette à quiconque de livrer son point de vue. Mais aussi sur des concepts ou sur des idées porteuses de renouveau.
Qu’est-ce qui fait l’ADN de TECH IN France soit aussi particulier au sein du paysage numérique français ?
TECH IN France est née il y a un peu plus de 10 ans. Comme une start-up avant l’heure, elle souligne avec enthousiasme la spécificité du métier de « créateur de solutions ». Son organisation agile, sa détermination à favoriser les échanges sans complexe entre entreprises de toutes tailles et de toutes cultures, l’importance attachée à la technologie et aux nouveaux modèles économiques, son ambition également, en ont fait un lieu d’échanges prospectifs et de partage des meilleures recettes particulièrement dynamique.
Il s’agit d’une communauté d’acteurs qui, au-delà du plaisir des rencontres entre professionnels talentueux, ont compris que les bonnes solutions s’inventent et se construisent au sein d’écosystèmes fortement diversifiés. TECH IN s’efforce d’être représentatif de tels écosystèmes. Elle s’ouvre à tous les modèles et tous les secteurs d’activité, comme la santé connectée, l’intelligence artificielle ou les EdTech.
Le développement international de nos membres y est évidemment une préoccupation permanente. Toutes les expériences dans cette perspective sont valorisées, qu’il s’agisse de notre leader, Dassault Systèmes, ou de la plus récente de nos start-up.
Comment contribuer à faire émerger des leaders français du numérique ?
Nous considérons que l’un des points forts de la France est la grande capacité créative de ses talents, en lien avec un tissu de recherche académique de haut niveau. Il est bien évidemment important de parfaitement évaluer ces capacités. Mais aussi d’en compléter l’analyse. C’est autour de ce point fort que nous pouvons imaginer faire émerger nos futures pépites. Il faut alors s’assurer que l’environnement économique, financier, fiscal et réglementaire constitue un socle pérenne. Il doit permettre aux créateurs d’oser leur développement, notamment à l’international.
Trop d’entrepreneurs redoutent à faire partie d’écosystèmes par peur de grandir en perdant leur identité. La question du financement est évidemment centrale. Les grosses levées de fonds doivent être mieux soutenues depuis la France. Si l’on souhaite créer des écosystèmes solides, il faut atteindre rapidement les tailles critiques sur des marchés toujours plus internationaux. Mais pour cela, il nous faut bousculer les idées reçues. TECH IN France entend bien être un lieu de partage dynamique dans cette perspective.
Olivier Robillart