Promis pour rebattre les cartes d’une partie de l’informatique traditionnelle et des systèmes de calculs puissants, l’informatique quantique est résolument novatrice. Encore faut-il un ordinateur quantique, ou des matériels dédiés, pour faire fonctionner la technologie. Un objectif que développe l’entreprise Alice&Bob, laquelle vient de lever 27 millions d’euros.
Considéré comme représentant une partie du futur du calcul intensif et d’une partie de l’informatique, la technologie quantique poursuit son développement. Dans ce cadre, l’Ordinateur quantique utilise des phénomènes propres à la mécanique quantique. La technologie s’oppose donc aux appareils utilisant exclusivement l’électricité. En somme, l’Ordinateur quantique a vocation à réaliser des calculs trop complexes pour un ordinateur classique.
Dans cette optique, la société Alice&Bob développe un premier processeur ainsi qu’un ordinateur quantique « tolérant aux erreurs ». Le problème majeur de cette technologie réside en effet dans la capacité pour ces machines de corriger les erreurs qui surviennent lors de la création d’un qubit. Les recherches actuelles démontrent qu’il demeure très difficile pour n’importe quelle machine de rester à l’état quantique. Des perturbations, même infinitésimales, va provoquer des erreurs, et ainsi fausser le moindre calcul.
C’est pourquoi l’entreprise créée par Raphaël Lescanne et Théau Peronnin a pour objectif de créer un qubit « entièrement protégé » capable de corriger ces erreurs. Pour y parvenir, les responsables ont ainsi récemment démontré que leurs produits étaient parvenu à demeurer stables pendant plusieurs minutes à l’une des deux erreurs (contre quelques millisecondes pour le reste de la concurrence).
Un « Bell Labs » en mode quantique
Afin de concrétiser ses propres recherches, l’entreprise a donc levé 27 millions d’euros auprès d’Elaia, Bpifrance (via son fonds Digital Venture), Supernova Invest et Breega. Un tour de table destiné à accélérer, doubler la taille de l’équipe (40 collaborateurs actuellement) et maintenir une feuille de route résolument orientée vers la R&D. Quant aux premières machines, elles devraient être livrées courant 2026.
« Alice&Bob est encore une entreprise de recherche. Une sorte de Bell Labs, qui dans les 18 prochains mois sera totalement en mesure de présenter un bit quantique stable corrigé des toutes les erreurs« , indique Théau Peronnin, Chercheur et co-fondateur de l’entreprise. La feuille de route de la société revient désormais à être capable de corriger le second type d’erreur de qubit.
La stratégie de ce type de société revient en effet à produire des qubits robustes contre les erreurs. Pour y parvenir, l’entreprise applique des conceptions d’ingénierie de contrôle optimal afin de disposer de systèmes quantiques stables par défaut. « A l’heure actuelle, aucun ordinateur quantique ne remplace les équipements traditionnels, notre ambition est de produire des supraconducteurs dotés de contrôles optimaux. En somme, nous vendons de la puissance de calcul en mettant la main sur l’ensemble de la chaîne de hardware. Nous agissons de bout en bout, de la conception aux opérations réalisées par la machine« , explique le responsable.
L’Ordinateur quantique : pour quels marchés ?
Si le sujet est, pour le moment, particulièrement présent sur le terrain de la recherche, des usages business existent dès à présent. Selon des estimations du cabinet McKinsey, le marché est estimé à plusieurs centaines de milliards de dollars dans les 5 voire 10 prochaines années. Les marchés principalement concernés par l’Ordinateur quantique ont trait à l’optimisation à grande dimension. On pense ainsi naturellement aux chaînes aéronautiques, l’ingénierie de pointe via la résolution de systèmes d’équation relatifs à la mécanique des fluides ou bien encore aux réseaux d’apprentissage de neurones pour l’IA.
Autre usage particulièrement prégnant, l’Ordinateur quantique possède une capacité unique à simuler le fonctionnement des protéines. « Il représente un changement de paradigme profond, à l’image de la découverte de la pénicilline, ainsi qu’un enjeu technologique et de souveraineté« , ajoute Théau Peronnin.
Toujours est-il que les technologies quantiques devraient supplanter les méthodes de calcul classiques d’ici 5 à 7 ans. Elle devrait permettre, au moyen de machines d’entraînement, d’élaborer des cas d’usages pertinents. Ces derniers sont destinés à coder des problématiques nouvelles. Ou bien encore à analyser l’impact de ces mêmes machines pour valider ou non des modèles économiques.
Une technologie déjà utilisée
Certaines entreprises ont déjà entrepris d’utiliser la technologie afin de doper leurs propres ressources. C’est le cas d’OVHcloud qui a noué un partenariat avec Quandela afin d’intégrer ses outils dans son logiciel en open-source. L’idée est alors d’élaborer et d’exécuter des algorithmes quantiques optiques. Pour rappel, ce logiciel est destiné aux développeurs, aux industriels et à la communauté scientifique. Il permet de faciliter la recherche, d’élaborer et d’exécuter des algorithmes quantiques en simulant un ordinateur quantique optique.
De son côté, OVHcloud a déjà précisé que l’émulateur quantique d’Atos est disponible sur sa propre plateforme cloud.
Une pénurie de compétences déjà présente
Le développement des technologies quantiques va de pair avec la présence de personnes pour l’animer. A condition de disposer des compétences nécessaires. « Nous sommes en présence d’une pénurie de compétences. Il est urgent de recruter des personnes à même de s’approprier le sujet. Les entreprises doivent faire monter en compétence leurs équipes sur le sujet. Sans quoi la règle du ‘premier arrivé, premier servi’ s’appliquera. Les professionnels qui auront opéré une démarche proactive disposeront d’avantages compétitifs certains lesquels encourageront grandement l’innovation« , indique Théau Peronnin.
Il est donc à prévoir que la technologie va tout d’abord innerver certains marchés de niche. Lesquels vont ensuite permettre l’émergence de nouveaux usages. Une foisla possibilité de l’Ordinateur quantique démontrée, de nouvelles annonces en direction du développement de ce dernier devraient survenir. C’est donc aux entreprises qu’il revient de former leurs collaborateurs au sujet. Sinon de recruter des chercheurs versés dans cette discipline.
Le quantique : la « terre de tous les fantasmes »
Alors que l’existence de biais technologiques constitue un écueil dans le développement de l’intelligence artificielle, l’Ordinateur quantique ne souffre pas des mêmes maux. Toutefois, le quantique peut provoquer des déraisonnements certains.
« Le quantique est la terre de tous les fantasmes. La culture populaire s’est servie d’elle pour aborder des pans entiers de la Science-Fiction moderne. Alors qu’il s’agit en fait d’une représentation très mathématique et claire des choses. Il peut donc s’avérer difficile, pour un public non averti, de faire le tri entre la fiction et la réalité des machines. Nous sommes désormais dans une véritable course au hardware. Les fantasmes n’ont désormais plus de raison de subsister« , ironise le responsable.
Olivier Robillart