Le programme Numeric’Emploi Grand Est permet d’accompagner des personnes en recherche d’emploi vers les métiers du numérique. Thierry Vonfelt, Délégué Régional Numeum Grand Est et président du programme aborde les objectifs présents et à venir.
Le programme Numeric’Emploi Grand Est permet de former et intégrer de nouveaux candidats au sein des entreprises du numérique. Soutenu par Numeum, le dispositif a initialement été lancé voilà 7 ans. Occasion d’en dresser un bilan avec son président, Thierry Vonfelt. D’autant que l’initiative a déjà fait des petits, en particulier dans la région Occitanie.
Comment présenter le programme ?
En tant que Délégué régional de Numeum, j’ai pris le parti de faire le tour des préoccupations de nos adhérents. En particulier en termes d’emploi et de recherche de talents. Nombre d’entre eux avaient des problématiques aigües en matière de recrutement. Leurs questionnements tournaient également autour de la difficulté à trouver des candidats correctement formés. Le point était alors majeur alors même que de nombreux CV présents chez Pôle Emploi concernaient des personnes employables par nos adhérents. Certains manquaient certes de formation ou de remise à niveau, mais pouvaient tout à fait rejoindre nos adhérents.
Il a donc fallu mettre en adéquation l’offre et la demande. A présent, le process de Numeric’Emploi Grand Est permet de rencontrer tous les candidats intéressés par un métier du numérique afin de les orienter et de faciliter leur intégration dans une entreprise appropriée par rapport à leur projet professionnel. Cet accompagnement sur mesure est véritablement la clé du succès du programme. Nous avons par la suite enrichi le catalogue d’accompagnement. Puis ajouté de nouvelles formations, des POE, des dispositifs avec la région Grand Est afin de construire des formations sur-mesure. Le dispositif, poussé par le bouche-à-oreille a fonctionné puisqu’il regroupe à présent 70 adhérents, œuvrant majoritairement dans le secteur du numérique.
Quelles entreprises sont concernées par Numeric’Emploi Grand Est ?
Les entreprises du secteur du numérique sont celles qui sont les plus en attente. Mais le dispositif s’est finalement assez rapidement étendu au-delà de ce secteur. Car notre travail est de mieux connaitre les besoins des professionnels et d’être plus proche des pouvoirs publics. Autre point majeur, les industriels rencontrent les mêmes problématiques que nous. Ces derniers ont besoin de dispositif d’accompagnement des publics. C’est pourquoi nous sommes en constante réflexion quant à leurs besoins. C’est également la raison pour laquelle nous allons très prochainement traiter des profils de salariés en période de reconversion professionnelle.
Quelles sont leurs attentes ?
Afin de répondre aux multiples attentes des entreprises, dans un domaine où les besoins évoluent très vite tant en termes de volumétrie que de compétences attendues, nous établissons des plans d’actions pour répondre aux besoins courts termes tout en anticipant les besoins moyens termes compte-tenu de la durée moyenne des formations pour amener les candidats à un niveau d’employabilité minimal acceptable par les entreprises. En effet, il est peu de dire que les technologies évoluent de plus en plus vite. A cela il convient d’y ajouter les évolutions socio-culturelles en cours. Cette conjonction crée des défis forts. Il nous faut combiner ces évolutions en cours inéluctables et accélérées par la crise actuelle. Et ainsi anticiper et accompagner les entreprises face aux impacts de ces évolutions.
Nous avons également fait le choix de faciliter la relation entre les entreprises recruteuses et les candidats le plus tôt possible dans le parcours d’adaptation des développements des compétences des candidats, idéalement dès la phase de sélection avant l’entrée en formation.
Il est donc important de recruter différemment ?
La tendance est toutefois à ce que les entreprises cherchent des candidats avec des exigences toujours plus pointues notamment des profils de niveau Bac+5 avec quelques années d’expérience ! Ceci alors que le niveau de qualification des candidats en recherche d’emploi intéressés par le numérique est plus faible et n’a pas forcément beaucoup d’expérience.
Face à ces demandes, il faut donc répondre recruter différemment tant pour des raisons de démarche RSE que pour une bonne accroche vis-à-vis du marché de l’emploi. D’un autre côté, on voit une autre tendance majeure se confirmer. De plus en plus de personnes éloignées de l’emploi sont néanmoins motivées pour obtenir un poste dans le numérique. Il faut donc conseiller et accompagner ces personnes sans pour autant qu’elles disposent d’un solide bagage universitaire. Enfin, on voit émerger une tendance très forte dans laquelle ce ne sont plus les entreprises qui sélectionnent des candidats mais les candidats qui choisissent leur entreprise.
Nous accompagnons les professionnels, en particulier les entreprises de moins de 250 personnes afin qu’elles comprennent ce nouveau paradigme. Cela a un impact sur les types et les modalités de recrutement. Les entreprises doivent désormais apporter une attention plus poussée à la formation des collaborateurs en situation de travail, à sa marque employeur et son attractivité. Tout cela en veillant à ce que son propre management puisse comprendre ce nouveau monde dit « VUCA » et ses exigences.
Nos services de conseils et d’accompagnement des entreprises visent à aider les entreprises à s’adapter à ce nouveau contexte ; ceci pour qu’elle se prépare et s’habitue à intégrer ces nouveaux profils de candidats dès lors que ces derniers sont très motivés et qu’ils ont bénéficié d’un accompagnement renforcé de la part de Numéric’Emploi ; par exemple grâce à l’incubateur d’expérience qui permet aux candidats d’effectuer une période d’immersion de 3 à 6 mois en entreprise pour travailler sur des projets réels encadrés par les professionnels de l’entreprise pour faciliter leur montée en compétence tout en suivant des modules de formation à la carte sur les soft skill (développement personnel , travail en équipe, expression écrite et oral, culture des entreprises, …).
La reconversion professionnelle : une clé de réussite ?
Il est important à l’heure actuelle d’étendre le champ des possibles en s’intéressant plus largement à l’ensemble des demandeurs d’emploi. Je pense ainsi naturellement aux salariés en situation de reconversion professionnelle. Et cela, quand bien même les structures ainsi que les financements sont différents.
J’ai récemment rencontré de nombreux candidats qui s’intéressent à la reconversion individuelle. Ces derniers ont envie ou besoin de changer de métier. Ils peuvent alors se diriger vers les métiers du numérique. Ces derniers proposent un large éventail de professions existantes. Mais pour les attirer à nous, le soutien des pouvoirs publics demeure incontournable.
Quel est le bilan de Numeric’Emploi Grand Est ?
Voilà 6 années déjà, nous avons créé une association qui a donné un nouvel élan de soutien et une reconnaissance des métiers du numérique. Cela a également permis d’apporter un ancrage territorial fort, tout le monde y trouve un intérêt et cela ouvre d’autres perspectives pour chacun.
Numeric’Emploi Grand Est n’est certes pas encore déployé sur toute la région. Mais nous parvenons à intégrer dans l’emploi entre 100 à 120 personnes par an, tout en accompagnant plus de 200 stagiaires en formation. Depuis sa création, le programme a accompagné pas moins de 650 personnes rien qu’en Alsace et en Moselle. Il convient désormais de réfléchir à explorer d’autres territoires et des publics plus larges. Les POE sont encore trop limités car les formations sont trop courtes ; pour la plupart des métiers, il faut plus que 3 mois pour développer les compétences nécessaires pour avoir un niveau d’employabilité minimal vis-à-vis des attentes des entreprises
Pour conduire les personnes vers les métiers du numérique, il faut davantage de temps. Il n’y a pas de miracle et il ne faut pas faire de fausses promesses aux candidats : le plan d’accompagnement doit être adapté au profil de chacun ; c’est-à-dire des formations ciblées vers les métiers en demande dans les différents bassins d’emploi, du coaching individuel, des formations aux softskill.
Dans le cadre d’une transition professionnelles, de nombreux paramètres sociaux et RH doivent également être pris en compte. Le cadre familial, les obligations et contraintes personnelles des candidats doivent être prises en compte pour élaborer leur plan d’accompagnement. Le numérique peut les aider à adopter une nouvelle voie qui correspondra à leurs attentes.
C’est pourquoi nous avons créé un label « Formation efficiente by Numéric’Emploi » attribué aux actions d’accompagnement et de formations qui permettent un taux d’insertion dans l’emploi très élevé. C’est véritablement notre rôle que de savoir où se situent les attentes de chacun : entreprises et candidats.
Quels sont les prochains jalons ?
Pas moins de 3 grands chantiers sont en cours. L’élargissement des publics nous conduit vers ceux qui sont plus éloignés de l’emploi, les décrocheurs, ceux qui sont loin des études. Ce pan intègre aussi les personnes en situation de reconversion professionnelle. Autre chantier, nous agissons en faveur d’un élargissement géographique afin de porter davantage notre attention vers la Lorraine et la région Champagne-Ardenne.
Enfin, l’élargissement des métiers est un combat permanent. Il faut accompagner les publics vers de nouvelles professions comme, par exemple, les métiers de l’impression 3D et de la fabrication additive. Il s’agit de bien faire comprendre ce que sont ces métiers et les compétences attendues. Je pense, par exemple, à la conception et à la création des programmes qui pilotent les machines. En somme, il faut être à l’écoute des nouveaux métiers pour ne pas être en retard lorsque la demande sera déjà là.
C’est pourquoi le déploiement de ce dispositif décidé et soutenu au niveau national par Numeum, est un axe stratégique pour relever le défi de la pénurie de talents dans les métiers du numérique en France. Dans ce cadre, Numeric’Emploi Grand Est sert de pilote pour d’autres régions de France. Et nous saluons ainsi le lancement de nouveaux dispositifs jumeaux dans d’autres régions, notamment en Occitanie.
Olivier Robillart