Alors que l’industrie manufacturière française est à l’aube d’une révolution, cette dernière doit opérer une double conversion et ainsi entrer de plain pied dans cette ère du numérique. L’IoT lui ouvre cette voie.
En effet, la part que l’industrie occupe dans l’économie nationale a depuis les années 70 diminué de moitié, passant de 22,3 % à 11,2 %. La solution pour y remédier ? Intégrer des technologies numériques dans les processus de fabrication et créer un modèle économique propice à l’exploitation du potentiel de ces technologies numériques.
Souvent désignée par les termes d’industrie du futur ou d’industrie 4.0, cette intégration technologique repose sur un pilier : l’Internet des objets. Selon les derniers chiffres de Gartner et de l’IDATE, le monde devrait compter entre 50 et 80 milliards d’objets connectés d’ici à 2020.
Au-delà de la dimension gadget, qui a souvent les faveurs médiatiques, l’Internet des objets permet aux fabricants de dépasser la simple production d’objets pour se tourner vers la production de données d’usage. A la faveur de celles-ci, l’industriel peut prendre en compte la finalité du produit, et donc s’ouvrir à de nouvelles stratégies et approches pour répondre aux attentes de ses clients. Plutôt que d’examiner les problèmes et les défis sous l’angle du produit, les industriels avisés mettent le client au cœur de leur réflexion : « comment pouvons-nous atteindre le résultat final souhaité par nos clients ? »
L’IoT et la création de valeur
Ce changement de perspective va de pair avec un changement d’état d’esprit comme l’illustre le cas d’Hager. Créé en 1955, ce groupe industriel franco-allemand a longtemps été spécialisé dans la fabrication de matériels électriques pour particuliers et entreprises. Il a ensuite repensé son modèle économique au tournant des années 2010.
L’industriel a saisi l’opportunité de la montée en puissance de l’IoT en créant « Hager Services », une start6up autonome et intégrée. Celle-ci aborde les phases de développement de produits ou de services selon des méthodes dites “agiles”. 64 ans après sa création, Hager ne se contente plus de fabriquer des alarmes ou des tableaux électriques. Désormais, l’entreprise s’est fixée l’objectif de garantir la sécurité et l’optimisation des besoins courants de la maison. Et cela via des services de maintenance et de surveillance accessibles par abonnement.
À l’évidence, le potentiel de l’IoT dépasse largement le cadre de la maintenance préventive ou de la localisation en temps réel. L’interconnexion entre Internet et les objets peut constituer un puissant levier de monétisation à condition de choisir le modèle économique idoine.
Suivre le sillon tracé par la Silicon Valley
D’une certaine façon, les GAFA ont été les premiers à énoncer et à démontrer ce théorème. Ces nouveaux empires économiques ont précisément bâti leur succès sur l’accumulation de données. Mais également sur leur maîtrise et la création d’un environnement propice. Le tout basé sur des services et des applications plutôt que sur du hardware. Pour les industriels, l’enjeu est le même. Il s’agit de passer d’une culture fondée sur la production de biens à une culture de services.
Évidemment, l’adoption de cette nouvelle vision ne se fera pas sans heurts. Outre la mise en place de capteurs, de processeurs et de technologies de connectivité, l’entreprise devra disposer des compétences digitales. Mais également de plateformes nécessaires à la collecte, l’intégration, l’analyse et la sécurisation des données. Mais le jeu en vaut (largement) la chandelle.
L’analyse de l’évolution du Fortune 500 durant les 19 dernières années est implacable. Plus de la moitié des entreprises figurant dans ce classement en 2000 ont disparu aujourd’hui. Comment expliquer la permanence de l’autre moitié des organisations ? Pour reprendre la signature de marque de General Electric, ces organisations sont devenues des « digital companies ». Autrement dit, elles ont abandonné les caractéristiques du vendeur d’équipements pour s’approprier celles du concepteur de services. À méditer et à imiter.
Cette tribune a été rédigée par Philippe Van Hove, DG Europe Continentale de Zuora