La période de crise constitue un symbole tout particulier pour la résilience des entreprises. Les start-ups et scale-ups connaissent une période d’entre deux dans laquelle elles doivent composer entre leurs roadmap en termes de levées de fonds ou d’IPO. Tout en maintenant une trésorerie saine et des objectifs clairs à moyen terme.
La période actuelle peut s’avérer plus complexe lorsque les entreprises entreprennent une levée de fonds ou anticipent une introduction en bourse (IPO). Dès lors la problématique se pose de savoir dans quelle mesure est-il possible de poursuivre son projet de levée de fonds ou d’IPO en cette période. A ce questionnement s’adosse celui de la manière d’entretenir de bonnes relations avec les investisseurs.
L’anticipation d’une récession majeure invite en effet l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur à adopter une attitude prudente accrue et à faire montre d’exigences renforcées. Dès lors, les investisseurs peuvent mesurer l’impact de cette situation sur leur portefeuille actuel et futur. Des leur côté, les entrepreneurs peuvent toujours répondre aux enjeux que créent ces mesures.
Force est de constater que les levées de fonds se sont maintenues depuis ces dernières semaines, confinement ou pas. Par exemple, Slite a levé 10 millions d’euros pendant le confinement. Elle propose une application de travail collaboratif entre professionnels. De son côté, Vestiaire Collective a réalisé un tour de table de 59 millions d’euros. Le fonds Korelya Capital est devenu actionnaire de la plate-forme de vêtements de luxe d’occasion. L’année dernière, la plateforme avait levé 40 millions d’euros auprès d’Idinvest et de Vitruvian Partners et 58 millions d’euros en 2017.
Plus globalement certains secteurs demeurent promis à de belles perspectives de croissance. C’est le cas par exemple de la Santé, de l’Industrie 4.0, de la cybersécurité, des outils collaboratifs, de la transformation numérique au sens large ou de l’Intelligent Workplace.
Quelles relations nouer entre investisseurs et entreprises ?
La crise crée un contexte délicat pour les entreprises de la tech auquel n’échappe pas la relation avec les investisseurs. L’anticipation d’une récession majeure invite chacun à une prudence accrue et à des exigences renforcées. Un point sur lequel l’ensemble des experts se rejoignent pour éviter les comportements prédateurs ou rapaces.
Pour autant, la tech dans son ensemble entend maintenir ses perspectives de développement. Franck le Tendre, CEO de Finalcad explique : « nous avons connu un arrêt brutal de l’activité au début du confinement. De l’ordre de 90% des chantiers en cours. Le reste de l’année sera pour le moins challenging car de nombreux chantiers reprennent progressivement. A terme, les possibilités de croissance sont bel et bien présentes même si 2021 ne sera peut-être pas la meilleure année pour lever des fonds ».
Un constat partagé par nombre d’experts du sujet. Laurent Foata, Managing Director pour Ardian Growth explique : « Notre constat est celui-ci. Le premier trimestre s’est déroulé bon an, mal an. Même si le mois de mars se révèle tout de même chaotique. Les prévisions demeurent toutefois en ligne avec celles qui étaient anticipées. Par contre, certains considéraient le SaaS comme un bloc de granit monolithique intouchable et impénétrable, ce qui n’est pas forcément le cas. Certains très grands comptes ont remis partiellement en cause leurs contrats, et on a constaté des décalages en termes de délais de paiement. Il existe tout de même une inertie forte des projets en cours et une résilience certaine du secteur ».
Il demeure donc évident que les prochains trimestres, en particulier le troisième et quatrième, subiront un impact certain. Il n’est toutefois pas encore évident de déterminer la portée de ces effets de bord. Les projections n’étant pas forcément optimales pour la fin de l’année.
Pour Sylvain Staub, fondateur de la société Data Legal Drive, les prochains mois permettront de disposer d’une vision plus claire. « Le business plan n’est pas différent de celui prévu. Les premiers mois ont été conformes mais nous verrons ce qu’il se passe dans les prochains mois. S’il est nécessaire ou non de dégrader nos prévisions. Malgré la crainte autour de la trésorerie, nous poursuivons notre croissance et cherchons à réaliser de nouvelles acquisitions d’ici la fin de l’année. Si cela s’avère possible », précise-t-il.
Un regard bienveillant des investisseurs
Dans cette période particulière, l’attitude des investisseurs revêt un caractère particulièrement important. François Houssin, Directeur Equity Capital Market de KPMG Corporate Finance commente : « nous avons constaté très peu de sorties d’investisseurs. Ils s’orientent au contraire vers la tech alors que la situation s’avère plus complexe sur d’autres secteurs comme l’industrie ou l’événementiel. »
Il demeure donc important de prendre du recul sur la situation et de considérer les événements actuels à l’aune de ceux passés. Laurent Foata ajoute : « le marché va être figé pendant les prochains mois, le dealflow va se ralentir car chacun voudra savoir sur quel pied danser et déterminer les deals qui arriveront. Mais le marché va revenir à des opérations primaires. C’est-à-dire que les investisseurs iront vers des acteurs émergents et sur de nouvelles thèses d’investissement ».
Dans ce contexte, les entrepreneurs doivent donc donner un maximum de lisibilité aux investisseurs et suivre de près l’offre de marché de financement. Un point important dans la mesure où la nature des opérations financières vont changer radicalement. Jean-Pierre Valensi, Associé, responsable activités Capital Markets Advisory précise : « la tech sera toujours recherché en 2021. Les pistes sont viables à l’heure actuelle et les projections sont possibles. Les entreprises doivent toutefois conserver une couche de communication et d’établir de solides reporting en interne pour traquer correctement les KPI nécessaires à la croissance. »
Le Gouvernement débloque 4 milliards d’euros pour les start-ups
Face aux attentes de professionnels, une réponse gouvernementale devait être apportée rapidement. Elle se présente sous la forme d’une aide de l’ordre de 4 milliards d’euros. Bpifrance est ainsi en mesure d’accorder un prêt spécifique. Il vise à donner aux start-ups un bol d’air en termes de trésorerie.
Bercy a ainsi précisé les mesures d’accompagnement de start-ups de la French Tech impactées par le coronavirus. Le secrétaire d’État chargé du Numérique, Cédric O, a reçu les organisations professionnelles du secteur numérique (des services aux logiciels, des entrepreneurs du Net aux capitaux-risqueurs…), parmi lesquels TECH IN France, Syntec Numérique et France Digitale.
Ces mesures pour les start-ups recouvrent l’obtention de délais de paiement d’échéances sociales et/ou fiscales (URSSAF, Impôts) des remises d’impôts directs, un rééchelonnement des crédits bancaires par le biais d’une médiation du crédit, la garantie de lignes de trésorerie bancaires grâce à la mobilisation de Bpifrance. Mais également un dispositif « simplifié et renforcé » de chômage partiel. Tout comme un recours au médiateur des entreprises en cas de conflit avec des donneurs d’ordre ou des fournisseurs.
Disposer d’une vision à moyen et long terme
La situation des start-ups demeure donc complexe. A court et moyen terme, elle peut s’avérer préoccupante. De nombreux projets étant repoussés à plus tard. Les entrepreneurs témoignent ainsi généralement de leur difficulté à élaborer une vision à plus long terme. Gwénaël Flatres, CEO de la start-up Glaze, explique : « Nous allons sans doute assister à une mutation profonde et rapide de nos sociétés. Tant d’un point de vue économique, sociale au politique au niveau planétaire. Et bien malin celui qui pourrait en prévoir les conséquences à ce stade ».
Si l’activité de pépite technologique n’a pas réellement fléchi pendant le confinement, elle compte tout de même revoir ses objectifs pour le reste de l’année. « Passé ce choc immédiat nous devrions rester sur une trajectoire de croissance forte pour 2020. Notre mission est d’accompagner le mouvement de conversion digitale à marche forcée subit par beaucoup d’entreprises, services publics et particuliers. L’avènement du télétravail et la conversion express aux nouveaux modes de distribution comme le drive représentent une tendance de fond. Nous sommes donc convaincus que la sortie de crise offrira davantage d’opportunités nous concernant », ajoute le responsable.
Un crédo simple mais efficace sur lequel peuvent s’adosser nombre de start-ups. Une mission claire qui permet aux entreprises de garantir sa trésorerie. Et ainsi de leur permettre de passer cette épreuve sans difficultés majeures.
Olivier Robillart