Signe d’une transformation numérique transversale, le domaine juridique connaît une mutation accrue. Épaulé par des entreprises des Legaltech, le droit et le secteur juridique poursuit sa mue en direction de la tech. Dans cette optique, plusieurs pépites s’avèrent particulièrement en pointe.
Le secteur des Legaltech est en pleine effervescence. Promis à une belle croissance, les entreprises du secteur modifient les façons de travailler pour les professionnels du secteur tout en renouvelant la proposition de valeur. En 2019, le baromètre des Legaltech édité par Wolters Kluwer et Maddyness dressait le constant de l’importance croissante des fonds levés chaque année par les startups du droit. De 12,8 millions en 2017, les tours de table ont atteint 52,1 millions en 2019.
Une croissance remarquable pour un secteur en développement qui parvient à attirer de nombreuses professions autour de véritables pépites comme Doctrine, e-attestations ou bien encore justice.cool. Pour cause, les innovations technologiques permettent au secteur d’atteindre un niveau de maturité conséquent. Nombre des sociétés opérantes sont regroupées au sein de l’organisation professionnelle TECH IN France. L’association propose de réunir l’ensemble de l’écosystème autour de solutions communes.
Doctrine, le poids lourd des Legaltech
Au sein du secteur, Doctrine représente sans conteste une réussite. La société a levé 10 millions d’euros en 2018. Nicolas Bustamante, PDG et co-fondateur de Doctrine explique que le secteur peut s’avérer réticent à l’émergence de nouveaux acteurs.
Il précise : « On constate que lorsque l’on se lance dans un marché extrêmement concentré, les réactions engendrent des comportements du type « David contre Goliath ». Ce qui n’est in fine bénéfique pour personne. Lorsqu’un acteur nouvel numérique entre sur le marché, cela tétanise, cela fait peur. Pour la raison simple que des entreprises établies peuvent craindre d’être ringardisées. En réalité, ces mêmes sociétés n’exercent jamais réellement la même activité que la start-up qui vient d’éclore sur leur marché. Elles peuvent se concentrer sur leur propre valeur ajoutée ».
Doctrine poursuit sa croissance. Alors qu’une majorité des entreprises du secteur opèrent dans un cadre réglementaire restreint ou se heurtent à une faible sensibilisation des clients aux problématiques juridiques. Des entraves qui n’empêchent pas la forte progression de l’entreprise. Doctrine revendique disposer d’un avocat sur quatre comme client en France en tant qu’utilisateur de son moteur de recherche compilant 9 millions de décisions.
Toujours est-il qu’à la création de la start-up, l’objectif était de comprendre pourquoi ces deux mondes, celui de la technologie et celui du droit, ne se parlaient pas. Doctrine propose de tisser un lien entre accès aux documents juridiques pour les équipes de juristes. Un outil tout autant disponible pour les responsables marketing. Deux univers plus proches qu’on ne le pense.
e-Attestations, le pilote de la conformité
Fondée en 2008, e-Attestations est sans conteste une pépite du secteur des Legaltech. Elle édite des logiciels d’évaluation de la conformité des tiers (TPM ou TPRM pour Third Party Risk Management). Les solutions permettent de collecter, contrôler, indexer, relancer, mettre à jour et archiver les informations et documents concernant les entreprises. Cela concerne leur activité, leur taille et leur environnement juridique. Les donneurs d’ordres vont évaluer automatiquement leurs tiers dans le cadre de leurs différentes obligations.
Les services proposés par e-Attestations sont intégrés dans les principaux systèmes d’information du marché. Ayant placée la confidentialité et la protection des données de ses utilisateurs au cœur de ses engagements, e-Attestations a obtenu la certification ISO27001 dans le cadre de son système de management de la sécurité de l’information. Et cela depuis 2018. L’objectif étant in fine de lever tous les freins à l’inscription de vos tiers et à la complétude des dossiers.
Pour les déclarants, la plateforme demeure gratuite. L’utilisateur reçoit une invitation par email permettant de se créer un compte. Les données sont protégées, partagées et échangées uniquement avec les donneurs d’ordres. e-Attestations agrège des données publiques et privées directement auprès de tiers producteurs de confiance.
Emmanuel Poidevin, président-fondateur d’e-Attestations explique : » L’évaluation des tiers (clients, fournisseurs, partenaires…) est devenue fondamentale. Elle permet d’assurer la continuité et le développement de la plupart des activités de nos clients. Les avantages de nos solutions entièrement dématérialisées sont nombreux : Automatisation des processus, fiabilité et pertinence des données, vitesse de traitement et capacité d’anticipation. Les évaluations périodiques s’avèrent de moins en moins pertinentes. Pour faire face aux réalités de cette période : connaitre la santé financière d’une entreprise l’année dernière ne permet pas de savoir si elle va pouvoir produire« .
Il ajoute : « nous observons un surcroît de demande sur les sujets de fraude aux moyens de paiement et de risques de défaillances des fournisseurs ou des clients. Les enjeux majeurs dans cette période sont d’anticiper sur les défaillances. Et les risques liés aux tiers et surtout de faire des gains de productivité. L’automatisation des tâches et les informations à jour et les signaux faibles deviennent des priorités pour nos clients. »
Justice.cool, les algorithmes au cœur de la justice
La start-up a été fondée en janvier 2020. Justice.cool édite une plateforme destinée à résoudre les litiges à l’amiable via des algorithmes permettant de catégoriser un problème. Les cas de figure sont nombreux. Ils vont de l’annulation d’un vol, à l’application du droit de retrait lors de la crise sanitaire de la Covid en passant par l’ensemble des procédures sociales.
La start-up profite d’un texte de loi récent, promulgué le 1er janvier 2020. Ce dernier oblige un demandeur à justifier d’une tentative de médiation avant de saisir une juridiction pour les litiges civils. Justice.cool s’insère dans cette nouvelle obligation. Elle permet de rendre service aux demandeurs tout en permettant de libérer les tribunaux d’une charge de travail.
La société édite des algorithmes en mesure capable de prendre en charge le règlement d’un litige. Et ce, sans avoir besoin de passer par un médiateur. Une transformation numérique du secteur juridique effective qui permet une meilleure fluidité et des délais d’attente réduits.
Le fonctionnement est simple. Un client doit remplir un formulaire en ligne permettant de répondre à des questions relatives au litige en cours. Le demandeur indiquera la somme qu’il désire obtenir en réparation (moins de 5 000 euros). Il se verra signifier une sorte de score global évaluant les chances que sa demande aboutisse. A ce stade, justice.cool va se charger de la médiation avec la partie adverse. L’objectif étant de générer une mise en relation rapide et sans frictions. En cas d’absence d’accord, la société peut émettre un document attestant qu’une médiation a bel et bien été tentée.
Olivier Robillart