Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) dit avoir encore « beaucoup de travail » pour l’objectif qu’il s’est fixé de réguler les plateformes en ligne. A l’occasion de sa conférence de presse portant sur les 10 ans de sa campagne visant à bannir les écrans aux très jeune public, l’organisme a rappelé son intention : avoir davantage la main sur les services de vidéos en ligne.
Le CSA poursuit son entreprise de sensibilisation quant aux usages des écrans. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a célébré en présence d’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, les 10 années d’existence de sa campagne visant à interdire l’accès aux écrans aux enfants de moins de 3 ans. Un programme incitatif dont l’objectif est d’émettre des recommandations visant à éloigner les plus jeunes des télévisions, smartphones et autres tablettes tactiles.
Le régulateur entend maintenir une position claire : donner aux parents des clés pour gérer la consommation délinéarisée des contenus vidéo. Il vise ainsi nommément les contenus publiés sur les plateformes de partage tels que YouTube, Dailymotion et consorts. Ainsi, l’enjeu pour les pouvoirs publics se situe véritablement sur la question de l’émission de recommandations auprès de ces mêmes acteurs, sans obligations juridiques strictes. Le CSA entend par là même étendre le domaine de ses compétences.
Un travail de sensibilisation
Olivier Schrameck, président du CSA lors de la présentation du bilan de cette campagne, explique : « Du fait de la présence de nombreux écrans, les risques d’exposition des jeunes sont plus diffus et par nature moins maîtrisables. Nous pouvons nous appuyer sur la directive service médias audiovisuels à laquelle nous avons fortement contribué. Elle étend le domaine de la protection jeunesse aux plateformes de livestreaming et aux réseaux sociaux. Nous porterons d’ailleurs ce soutien auprès de l’ERGA (European Regulators Group for Audiovisual Media Services, ndr) afin qu’il prenne en compte la protection des mineurs dans son programme d’action ».
Par le passé, le CSA admet avoir conduit « un travail de sensibilisation grâce aux diffuseurs » en ce qui concerne la télévision traditionnelle. Tâche à laquelle devrait s’ajouter une supervision des plateformes en ligne. « Notre rôle est de faire prendre conscience des risques d’une surconsommation des programmes vidéo mais également d’aider à comprendre ce qu’est un algorithme ou de comment fonctionne un moteur de recherche », précise-t-on du côté du régulateur.
Plus de concertations entre acteurs… pour davantage de régulation
Pour mettre en place de nouvelles recommandations portant sur la protection du jeune public, le CSA se dit ainsi « sensible à la supra régulation, c’est-à-dire la mise en place de normes par les acteurs eux-mêmes. Lesquelles sont ensuite validées par le CSA. Nous avons, jusqu’à présent mené des actions concertées de dialogue et d’adhésion. Ce type d’action connaîtra, à l’avenir, de nouveaux développements », nous confie Olivier Schrameck.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel confirme qu’il mène actuellement deux réflexions majeures impliquant majoritairement les services de consultation de vidéos en ligne. L’une porte sur l’édiction d’une charte sur les moyens de consultation et de consommation de contenus pornographiques en ligne. L’autre sur l’incidence de la télévision sur les habitudes alimentaires des Français.
Une réflexion de fond menée de concert avec plusieurs ministères dont celui de l’Education nationale et de la Santé. « Les Etats généraux du numérique ont vocation à travailler sur la régulation du numérique. Dans ce cadre ces questions sont et seront naturellement évoquées au niveau interministériel. Les plateformes de partage vidéo sont plébiscitées. En deux clics, on peut se retrouver sur des images pornographiques. Faut-il demander aux internautes leur carte bancaire, leur carte d’identité. Rien n’est encore arrêté, tout est en chantier, mais le sujet est très urgent. Il y a encore beaucoup de travail sur les plateformes non-régulées. Nous constatons de plus en plus d’usages non-contrôlés, cela devient problématique », précise Carole Bienaimé Besse, membre du CSA.
Apple et Google donnent les clés de contrôle du temps passé aux utilisateurs
Les questionnements autour du temps passé devant les écrans sont au cœur des attentes des utilisateurs. Une préoccupation entendue par les éditeurs. Lors de la dernière mise à jour majeure de son système d’exploitation mobile (iOS 12), Apple a ainsi intégré des mesures permettant aux internautes à contrôler le temps qu’ils passent à interagir avec leurs appareils. Des rapports d’activité, des limitations d’utilisation des applications sont librement proposés pour aider les familles à mieux comprendre la manière dont elles consultent des contenus en ligne.
Après avoir nativement intégré en 2008 les contrôles parentaux sur iPhone, l’outil Screen Time autorise à présent chacun à connaître le temps passé dans chaque app, le nombre de fois où l’iPhone ou l’iPad a été consulté mais également d’établir des plages autorisées de consultation. Screen Time permet également aux parents de programmer des créneaux horaires pendant lesquels l’appareil ne pourra pas être utilisé, avant l’heure du coucher, par exemple.
Cette évolution conduite par Apple va ainsi dans le même sens que celui du gouvernement. Ce dernier, à l’occasion de la publication de sa synthèse portant sur les Etats généraux de la régulation a en effet indiqué qu’il encourageait « la mise en place ou le renforcement d’outils de transparence, de régulation et de contrôle, comme les applications permettant de mesurer le temps passé devant un écran ».
Il en va de même pour YouTube, qui a l’an dernier mis en place une nouvelle fonctionnalité permettant de prendre connaissance du temps passé devant la plateforme de vidéos en streaming. Google indique qu’un outil sobrement baptisé « Durée de visionnage » donne un accès complet à l’utilisateur des statistiques de visionnage sur une journée entière mais également pour la veille et la semaine passée, avec une moyenne quotidienne.
Le Gouvernement apporte son soutien « sans réserve » au CSA
De son côté, le ministère des solidarités et de la santé entend épauler le CSA. Agnès Buzyn, présente lors de la conférence de presse apporte son « soutien sans réserve ». « Je souhaite que nous musclions les études scientifiques sur l’usage des écrans. Je demande que le Conseil de la Santé publique émette des avis. Mais aussi des recommandations sur les 0 à 18 ans et en particulier les 0 à 6 ans. Dès le 1er trimestre 2019, ces éléments seront publiés. Ils comprendront des repères d’usages des écrans », précise-t-elle.
Un soutien de taille. La protection des enfants de moins de 3 ans fera partie des points concernant la transposition de la directive audiovisuel. L’objectif étant « d’élargir l’intervention du Conseil pour saisir la diversité des acteurs du secteur ». A cette occasion, le régulateur étendra le champ de ses réflexions. Il mettra en avant la « prévention des usages problématiques du numérique, en particulier la surexposition aux écrans ».
Le Sénat entend réduire l’exposition
Le Sénat a récemment adopté une proposition de loi importante. Son objectif est de réduire l’exposition aux écrans des enfants de moins de 3 ans. La présidente de la commission de la chambre haute, Catherine Morin-Desailly, envisage d’apposer des messages d’informations à l’achat de tout appareil électronique. L’idée est de suivre l’exemple du « fumer tue ». Une mesure contraignante qui pourrait également toucher les publicités pour ces mêmes produits.
Au niveau européen, l’ERGA (European Regulators Group for Audiovisual Media Services), fait de la publicité un vecteur d’information. Mais aussi de sensibilisation envers le jeune public. A terme, des slogans du type « manger, bouger » pourraient fleurir du côté des constructeurs de matériel informatique.
Olivier Robillart