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La numérisation de l’industrie, véritable levier pour la performance 

La numérisation de l’industrie représente sans conteste un levier conséquent pour ce secteur. Il peut même se présenter comme une nécessité pour une entreprise industrielle compétitive. Selon des chiffres de Numeum, pas moins de 30 % du chiffre d’affaires du numérique est réalisé auprès de l’industrie. D’autant que le nombre d’usines présentes sur le territoire français a tendance à stagner. 

L’an dernier, l’Hexagone a accueilli 57 nouveaux sites et 49 en 2022, selon le baromètre de l’Etat. La période récente rompt avec la tendance positive qui était observée depuis 2016, hormis en 2020 où la pandémie de Covid avait donné un coup d’arrêt au secteur. Cette tendance tiède se poursuit cette année, impactant de facto les capacités industrielles du pays. La dynamique a, en effet, commencé à ralentir l’an dernier sous l’effet de multiples facteurs : l’inflation, la hausse des taux, les tensions géopolitiques, mais aussi la fin du déploiement du plan France Relance, lancé pendant la crise sanitaire et doté de 100 milliards d’euros, dont un tiers pour la réindustrialisation. 

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La numérisation de l’industrie, un levier de la performance.

Dans ce cadre, la numérisation de l’industrie se présente comme un véritable levier de performance tout aussi bien pour les grandes industries, que pour celles dont la taille est plus réduite. La maturité numérique des entreprises s’avère inégale sur le territoire en fonction de la typologie d’entreprises (grandes entreprises et des donneurs d’ordre, entre ETI et PMI) ou si le numérique a été intégré ou non dès le départ. 

Le numérique un levier qui ne peut laisser de côté les PMI et les ETI  

En somme, les PME et ETI industrielles cumulent des spécificités propres tels que les contraintes de ressources, de budgets et de compétences, une proposition de valeur sur un segment très précis, un ancrage territorial local très fort à laquelle s’ajoute un grand besoin de flexibilité pour répondre à une grande variété de donneurs d’ordre qui disposent d’un poids non négligeable à leur viabilité… La transformation numérique s’impose comme un moyen de répondre efficacement à leurs enjeux stratégiques, de maintenir leur compétitivité. 

Cette numérisation ne va pas forcément de soi. De nombreux freins se présentent aux petites et moyennes industries. Bien généralement, ces entreprises ne disposent pas des moyens humains ou financiers de se doter de solutions complètes. D’autres peuvent hésiter quant à l’identification d’un ROI effectif causé par une méconnaissance de ce que le numérique peut apporter. Autre point capital, le manque de personnel pour assurer le suivi de la numérisation est un élément majeur. Enfin, le tissu territorial peut parfois s’avérer défaillant. L’absence ou la faiblesse du nombre de sous-traitants ayant la capacité de partager les mêmes informations peut se faire ressentir. 

Jean-Marie Saint-Paul, Directeur Général de Siemens Digital Industries France et Président du Comité Industrie du Gimelec, explique : “Les petites industries sont exposées aux mêmes difficultés que les grandes entreprises, mais avec des moyens moins conséquents. A ceci s’ajoute le fait qu’elles évoluent dans un monde dans lequel la ressource au sens large reste un sujet. Que nous parlions d’énergie, ou des matières de manière générale, l’usage de cette ressource demeure prépondérant. Pour travailler sur leur compétitivité, l’outil numérique doit les aider à avancer et servir de leviers de croissance”. 

Un numérique sur mesure 

Or, le numérique permet sans conteste d’optimiser la ressource telle que définie au sens large. De son côté la réalité du terrain d’un dirigeant d’une petite industrie se réside souvent dans la contrainte d’arbitrer entre l’achat d’une nouvelle machine, et ainsi gagner en productivité à court terme ou opter pour la numérisation de l’ensemble de ses activités, et éventuellement agir à moyen terme. 

Concrètement, cela ne s’exprime pas nécessairement pas “plus de numérique” mais une réflexion pour être le plus proche de leurs besoins de manière à faire du “sur-mesure”. 

En somme, les industriels ne recherchent pas à se doter d’outils omnipotents mais qui vont répondre à des besoins précis, éminemment spécifiques. L’idée n’est donc pas de mettre en avant une technologie particulière. Mais d’initier une réflexion sur les besoins spécifiques d’une entreprise et la manière dont une technologie peut apporter une réponse que ce soit de l’IA, du cloud, un jumeau numérique… 

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La numérisation de l’industrie, pour un numérique sur-mesure.

Il est admis que le numérique peut apporter de nombreux bénéfices pour les industries. Les outils de type MES (Manufacturing Execution System) sont alors spécifiquement dédiés au secteur. L’idée étant de disposer d’une vision en temps réel de ce qui se passe en production afin de pouvoir piloter la production au plus près de la réalité. Côté client, ce pilotage permet de savoir où en est le traitement de sa commande via, par exemple, une interface.  

Un ROI conséquent

Lionel Chaubard, Site Manager pour Eviden, explique : “L’objectif n’est pas juste d’introduire des technologies mais de répondre à des problématiques concrètes. Garder du bon sens et du pragmatisme est essentiel pour avoir de meilleures chances de rentabiliser et ne pas s’heurter à la résistance au changement. Il faut donc bien connaitre les problématiques auxquelles on fait face, ainsi que les outils de résolution que les technologies viennent compléter.” 

De l’avis des experts, plus l’automatisation de l’industrie est grande, plus le retour sur investissement sera conséquent. Les process automatisés peuvent alors être programmés de manière à éviter les erreurs. Dans cette optique, la phase de développement d’un outil numérique dédié est capitale. Il est important de concevoir un algorithme sans erreurs et de l’entraîner correctement. 

Pascal Simon, CEO et fondateur de SellPartner, explique : “Il ne faut donc pas penser le numérique comme un projet mais comme un écosystème complet. Une industrie peut d’ores-et-déjà disposer d’outils internes fonctionnels qui ne sont pas nécessairement voués à être remplacés. Ils peuvent toutefois être connectés pour automatiser ces interactions internes afin de permettre une meilleure optimisation et amélioration des processus métier et de production. L’informatique peut donc piloter les robots, mais le contrôle revient toujours à celui qui dirige la chaîne de production. Cependant, il est capital d’avoir une vision à 360° pour créer une automatisation complète des process. Sans quoi, de nombreux bugs récurrents remonteront et l’entreprise ne réalisera que peu de leviers de croissance grâce au numérique.”  

Un virage déjà amorcé pour de nombreuses PMI, ETI  

Aujourd’hui une grande partie des donneurs d’ordre ont déjà passé un certain cap. Mais il est important que l’écosystème industriel dans sa globalité prenne ce virage pour en tirer profit. Les acteurs industriels n’agissent pas en silo. Les relations de sous-traitance sont particulièrement imbriquées entre les donneurs d’ordre et les plus petits acteurs.   

La modernisation des filières industrielles et leur transition numérique sont un impératif pour la compétitivité. Mais également pour la souveraineté de l’industrie nationale. Pourtant, les rapports dressent tous le même constat : la France est à la peine en matière de numérisation des entreprises. Faute d’un plan d’action rapide, une nouvelle vague de désindustrialisation risque de s’engager. Cela risque d’entrainer une dégradation de la prospérité avec les conséquences sociales qui en découlent. 

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Vers la numérisation de l’industrie et au-delà.

Cette transformation doit donc être accélérée dans toutes les dimensions de l’industrie. On parle de transformation net-zéro, de transformation des moyens de production, de transformation de la collecte des données, de transformation humaine devant intégrer les collaborateurs avec leur savoir-faire, leurs compétences et leurs savoir-être. Cette transformation massive devant être prise en compte dans la durée.  

Selon les résultats d’une enquête menée par la Banque de France en septembre 2023, divers facteurs ont affecté la quantité et la productivité des heures travaillées dans l’industrie manufacturière. Parmi les déterminants de la baisse de la productivité du travail depuis fin 2019, 92 % des entreprises ont cité la hausse du coût des matières premières et de l’énergie. 40 % évoquent des difficultés d’approvisionnement. Les principaux leviers d’amélioration de la productivité sont une meilleure adéquation de leur main-d’œuvre. Mais également l’investissement dans des équipements plus performants.  

L’automatisation : une levier encore trop peu utilisé pour la numérisation de l’industrie

Selon des chiffres rapportés par le baromètre Future Ready de la transformation des ETI 2024 de Numeum et du Meti, l’automatisation se présente comme un levier encore trop peu utilisé pour gagner en productivité. Ce volet est proposé dans 66 % des cas comme une priorité d’accompagnement. Par ailleurs, peu d’usines en sont au stade de la connectivité entre machines (connectivité du process), ni de connectivité avec leurs écosystèmes clients et fournisseurs. Aussi, les ETI sont engagées dans leur transformation numérique depuis des années.

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Processus, marketing, relation client et cybersécurité ont concentré leurs efforts et l’investissement, transformant durablement les habitudes. Ils réalisent d’importants gains de productivité. 82 % des collaborateurs considèrent que la numérisation des outils RH est en transformation ou achevée. 79 % le pensent de leurs opérations, 77 % de la dématérialisation des processus et 76 % du CRM. Ainsi, 2/3 des dirigeants jugent leur ETI mature ou en développement, contre ¾ l’an dernier. Ce résultat donne l’indication que les dirigeants ont davantage conscience du chemin qu’il reste à parcourir. Aussi, ils mettent la barre plus haut en se préparant à une nouvelle vague d’investissement. 

Une maturité numérique insuffisante pour une collecte efficace des données  

Ces dernières années, la numérisation de l’industrie est passée par la mise en place d’applications centralisées, de type ERP puis MES. Et cela, pour gérer au mieux les processus de production. L’idée étant alors de mieux partager la donnée. Les fournisseurs se sont alors intégrés à l’ensemble de la chaîne de production avec des plateformes de “share manufacturing”.  

La numérisation de l‘industrie doit pouvoir servir à intégrer et mieux faire communiquer les collaborateurs et personnels de production. Un propos qui s’entend sur l’ensemble de la chaine de valeur industrielle. A savoir dans les process mais également dans les produits.  

Toutefois, avant de se lancer dans leur projet de transformation, seulement 36 % des entreprises industrielles sont équipées de systèmes gérant l’ensemble du cycle de vie d’un produit (PDM) ou de gestion des informations relatives au produit (PLM). Selon des chiffres rapportés par Visiativ, le taux d’équipement d’un PDM est équivalent chez les ETI (23 %) et les PME (24 %). Par contre la situation diffère pour le PLM. Il n’est que de 10,7 % d’équipement chez les ETI et de 6,5% chez les PME. Pourtant, les flux d’information orientés vers les clients et ceux pour la gestion de la production apparaissent prioritaires dans l’agenda des dirigeants. 

Numérisation de l’industrie : une maturité en devenir

Des données confortées par des chiffres rapportés par BPI France portant sur la maturité numérique des entreprises industrielles. L’organisme estime que ce niveau de maturité est “majoritairement insuffisant au regard des enjeux de compétitivité de l’industrie française”. Ainsi, 90 % ont un niveau de maturité jugé faible ou moyen (pas de présence des basiques du Lean, peu d’automatisation, absence d’outils de pilotage type ERP / MES). Les 10 % restant étant essentiellement de grosses structures (PME & ETI de >20M€ de chiffre d’affaires). 

L’idée est donc de permettre à ces entités de leur laisser la maîtrise de leur propre avenir. Et cela, tout en maîtrisant les outils numériques en interne, sans dépendre d’un éditeur ou d’une entreprise tierce. Pour conserver la main sur la numérisation de l’industrie, les experts recommandent de nommer un référent numérique. Un choix fort mais qui peut ainsi être pérennisé. D’autant que le retour sur investissement du numérique peut apparaître comme difficile à démontrer, en particulier à court terme. Alors que l’investissement consenti peut s’avérer conséquent.

Cet article est extrait du livre blanc de Numeum « Industrialiser la performance » portant sur la numérisation des petites et moyennes industries. Le document est librement téléchargeable à cette adresse : « Industrialiser la performance » par Numeum.

Olivier Robillart