Le secteur agricole au sens large connaît un formidable mouvement de transformation numérique. Afin d’accompagner ce mouvement global, l’éditeur Isagri permet à l’écosystème de prospérer, tout en s’attaquant à de nouvelles cibles et en maintenant des implantations internationales durables. Entretien avec Jean-Marie Savalle, PDG d’Isagri.
L’éditeur poursuit sa croissance forte aussi bien en France qu’à l’international. Isagri annonce que pas moins de 2 200 collaborateurs travaillent à présent en son sein. Une entité puissante au contact de l’innovation et des transformations que connaît le secteur agricole.
Isagri signe un nouveau rachat avec l’acquisition de Vega Systems. En quoi cette opération constitue une suite logique pour votre croissance ?
La grande majorité de notre activité est historiquement liée à l’informatique. Isagri détient ainsi 3 pôles d’activité majeurs dont le principal couvre l’équipement des agriculteurs aussi bien en France qu’à l’étranger. Le deuxième pôle historique couvre l’activité d’équipement des experts-comptables de TPE. Le constat est simple. Lorsque ce type d’entreprise souhaite s’informatiser, ces métiers font souvent eux-mêmes le choix de la solution qu’ils souhaitent implémenter. Les experts-comptables se présentent ainsi en tant que clients mais aussi que prescripteurs de nos solutions. C’est pourquoi nous réalisons une croissance organique forte sur ce segment d’activité. Et cela même en dehors du strict marché agricole (comptabilité, paie, gestion commerciale…)
Enfin, le troisième pôle d’Isagri, plus récent, regroupe l’ensemble du marché de l’agro-business. Ce pan signe présentement de fortes croissances externes dans la mesure où il recouvre notamment l’équipement en matériel agricole. Le marché est actuellement en pleine transformation. Les acteurs agricoles sont de plus en plus globaux et ne se cantonnent désormais plus l’activité à l’exploitation de leurs ressources. Ils ont davantage besoin d’avoir une vision complète de leur activité. C’est pourquoi il est important d’accompagner ces mouvements, grâce en particulier à des opérations de croissance externe.
Isagri a ainsi réalisé l’acquisition voilà 3 ans de la société Irium. Cette dernière réalisait tout de même un chiffre d’affaires d’une douzaine de millions d’euros. Elle équipe les matériels agricoles en solutions d’ERP. Plus récemment, l’entreprise a procédé au rachat d’Akanea, une véritable pépite du secteur de la supply chain, des transports et du stockage. Cette entité dispose d’une branche historique stratégique dans l’agro-business, ce qui représente un renfort de taille pour nos activités.
Le récent rachat de Vega Systems s’inscrit dans cette logique de continuité. Il s’agit du concurrent historique d’Irium dans le domaine de l’équipement en logiciels des distributeurs de matériel. Ils se sont ainsi spécialisés dans la location de ces matériels en mettant un fort accent sur le paiement à l’usage plutôt qu’à l’acte. En reprenant ainsi notre premier concurrent, nous constituons de fait un nouveau point de force sur le secteur avec des parts de marché atteignant 50 à 70% en France.
En tant qu’éditeur vous êtes ainsi en train de constituer et renforcer un écosystème numérique robuste ?
La performance et l’usage nous amènent à penser qu’il existe des liens forts entre l’amont et l’aval, entre l’agriculteur et le fournisseur. De véritables cohérences naturelles mais également techniques. Un état de fait qui n’est imaginable que dans la mesure où nous sommes à même de créer un écosystème propre.
Le monde de l’agriculture est actuellement très concentré. Se sont développées au fil des années des coopératives puissantes, parfois multi-départementales, qui sont devenus des acteurs extrêmement importants en termes de taille et de salariés. Certaines d’entre elles comptent même plusieurs milliers de salariés. Ces dernières sont incontournables sur le territoire et disposent d’un pouvoir d’influence très puissant. Il s’agit donc d’un mouvement général du secteur.
Quels sont vos leviers de croissance à l’international ?
Nous avons d’ores et déjà réalisé des opérations de croissance externe dans un certain nombre de pays, notamment dans le domaine de l’équipement des agriculteurs. Actuellement, nos activités s’étendent dans pas moins de 14 pays.
Notre politique est de considérer qu’il vaut mieux favoriser un produit ou service local lorsque les contraintes réglementaires sont importantes. Nous ne cherchons par exemple pas à faire de la paie à l’étranger au moyen d’un produit français. Par contre, lorsqu’il nous est possible de distribuer un produit technique à l’étranger qui apporte une valeur ajoutée à nos clients et que son intégration est réalisable, nous opérons cette voie.
En ce qui concerne notre activité grands comptes, Isagri se situe dans une phase de consolidation. Nous disposons de structures éditrices en France avec des clients basés à l’étranger. La raison du choix de cette stratégie est simple. Nous avons un besoin fort de réaliser des développements techniques et technologiques.
Les équipes sont ainsi en train de redévelopper un ERP avec une base commune large, permettant de consolider nos produits. Cette solution sera plus moderne, davantage facile à maintenir et plus aisément internationalisable. Dans ce cadre, nous partons sur une tranche de 3 ans pour détenir une version commercialisable. La suite des développements se feront sur un horizon de 5 ans.
Quels sont vos besoins en termes de financement. Le fait d’être une structure capitalistique familiale représente-t-elle un frein à vos besoins en la matière ?
Nous bénéficions d’une trésorerie positive. Il est important de souligner que nous veillons à demeurer rentables qu’elle que soit la structure. Cela fait même près de 30 ans que nous ne distribuons pas de dividendes. Nos besoins en termes de financement sont donc faibles dans la mesure où notre activité se réalise principalement via des formules d’abonnement. Nos revenus sont donc récurrents.
Ce type d’apport peut certes être utile si nous souhaitions pousser davantage notre internationalisation mais le fait d’être une structure capitalistique familiale permet de conserver la main sur nos propres choix. Nous n’avons donc pas réellement de limites sur un horizon que nous savons lire. Notre seul frein réside dans le fait de trouver des personnes capables d’intégrer les nouvelles structures qui entrent dans le groupe.
Que pensez-vous du fort accent mis par les pouvoirs publics en direction des start-ups. Au détriment de sociétés stables et en croissance ?
Actuellement, les start-ups sont très souvent évoquées. Cela m’irrite un peu. Je connais certaines d’entre elles qui ne semblent motiver que par leurs plans de communication. Et moins par l’idée d’aller chercher de nouveaux clients ou de renforcer la qualité de son produit. Nous assistons à une mode qui privilégie les start-ups. Je ne suis, de manière générale, pas à l’aise dans l’excès. D’où mon irritation. Car les propos tenus sur les start-ups sont actuellement déraisonnables.
Je prends pour exemple certains exemples de secteurs qui subissent de fortes déconvenues ou dont la croissance ne sera pas aussi importante qu’escompté. Le secteur de la gestion de parcelles par exemple n’a pas de sens dans la mesure où le marché est déjà plein et les outils existe déjà. La taille de ce marché est également trop faible car il ne concerne que des problématiques franco-françaises.
Autre exemple, il était question voilà quelques années, du développement des drones agricoles. Aujourd’hui, ces sociétés spécialisées sont très loin de réaliser les bénéfices attendus. Nous sommes personnellement posés la question d’investir ou non dans ce domaine mais le choix était clair. Le marché est trop restreint et ne permettra pas de générer de fortes croissances. Il faut donc raison garder et veiller à ne pas faire preuve d’excès, en particulier lorsqu’il s’agit de start-ups sur des marchés apparemment nouveaux.
Olivier Robillart