A l’aune des changements des modes de travail, la fonction et les process RH ne cessent de se réinventer. Pour élaborer une vision prospective relative à l’évolution de ces métiers, experts et professionnels se réunissent au sein de Numeum pour en dégager les points saillants.
La récente crise sanitaire a permis de revoir les modes de fonctionnement du travail en entreprise. Les missions des collaborateurs attachés aux Ressources humaines ont évolué de facto. S’établit ainsi une nouvelle donne au centre de laquelle viennent se nicher de nouvelles valeurs fortes pour les entreprises du numérique.
Dans une optique exploratoire de ces nouvelles valeurs, Numeum a organisé un événement baptisé « Les RH dans le monde numérique, la nouvelle donne ». A l’occasion d’une série de conférences, l’organisation professionnelle portant la voix de 2 300 entreprises a rassemblé les experts du sujet. Chaque panel a ainsi pu aborder les thématiques centrales telles que les nouvelles organisations du travail, le besoin d’attractivité. Sans oublier le besoin constant d’améliorer l’offre de formation ou encore de conserver l’attention quant aux transformations de la fonction RH.
L’enjeu est de taille. Le numérique maintient en effet sa croissance et sa demande forte en termes de nouveaux talents. Béatrice Kosowski, Présidente d’IBM France, administratrice de Numeum, explique : « Le secteur du numérique représente à date pas moins de 538 000 emplois. Le secteur est, depuis 11 années consécutives, en création positive nette d’emplois. Ainsi 29 000 emplois ont été créés en 2020. Une croissance qui ne se dément pas, même en période de crise puisque l’an dernier 4 600 nouveaux emplois ont été créés. Nous assistons donc à une forte mobilisation mais également à une pénurie des talents ».
Ce double paradigme est au cœur des préoccupations des entreprises du numérique. Ainsi, les RH ont évolué depuis plusieurs années. Ces nouveaux modes d’organisation du travail font naître de nouvelles interrogations. Aussi, le principe du « Secure and care » demeure au cœur des préoccupations de DRH.
L’hybridation des modes de travail
La dernière étude sur le sujet réalisée par Malakoff Humanis révèle que de nouvelles formes plurielles de travail sont actuellement à l’œuvre. Marc Palazon, Président de Smile, commente : « L’accord entre l’employeur et l’employé est dépassé dans la mesure où il intègre désormais le client final. Le besoin de flexibilité et d’accord tripartite est donc bel et bien présent. »
A titre d’exemple et de retour d’expérience, Doctolib indique avoir dû revoir ses processus de recrutement. Matthieu Birach, Chief People Officer de la pépite tech indique recruter 100 nouveaux collaborateurs par mois depuis la période pré-crise sanitaire. Ainsi, les façons d’onboarder les nouveaux employés par les services RH ont été revues pour être initiées à distance.
De son côté, Jonathan Amar, Directeur général de Deletec précise qu’au cours des derniers mois, les entreprises ont assisté à une certaine forme de « dématérialisation du travail en particulier au niveau du management. Les premières semaines, nous avons constaté que le mid-management ne disposait pas suffisamment de repères. Un besoin d’accompagnement était alors évident ». L’entreprise a alors pris la décision de rapatrier ces managers sur site durant une période d’adaptation nécessaire. Par la suite, l’ensemble des équipes ont pu travailler hors de leurs traditionnels bureaux.
Un équilibre doit donc être trouvé dans les modes de collaboration. Entre présentiel et télétravail, chaque salarié doit pouvoir trouver auprès de son entreprise une force de proposition et d’adaptation. Delphine Morandet-Thouviot, Responsable de l’agence I-COM, déléguée régionale Femmes du numérique pour Numeum, commente : « Nous essayons de travailler sur notre confort collectif. Et cela en faisant preuve de flexibilité et d’agilité pour comprendre les attentes de chacun ». Toujours est-il que le client demeure désormais au centre de préoccupations. Jean-Christophe Morisseau, Directeur Général de Red Hat France indique à ce titre que Numeum publiera prochainement de nouvelles bonnes pratiques sur le sujet, en partenariat avec le Cigref.
Favoriser l’attractivité pour renforcer la marque employeur
Enjeu central pour toutes les entreprises, l’attractivité est devenue un rouage majeur pour toute organisation qui souhaite attirer des talents. Mais également les conserver. Katya Lainé, co-fondatrice et CEO de Kwalys, indique qu’en grande majorité, les collaborateurs souhaitent que leur entreprise fasse preuve de flexibilité dans l’organisation du travail.
Ce sentiment, appuyé par la dernière étude éditée par Malakoff Humanis, témoigne qu’il n’est pas possible de négliger le fait de se mettre à la place des ses propres collaborateurs sans quoi toute organisation risque de perdre en attractivité. Dans ce cadre, il convient de s’attacher aux critères qui permettent de fonder une véritable « expérience utilisateur » du collaborateur. Il s’agit ainsi de déterminer dans quelle mesure un salarié va apprécier ou non son cadre de travail.
Parmi ces critères, peuvent ainsi être définis des éléments comme l’équilibre temps de travail, temps personnel. Mais également des volets davantage collectifs comme la présence d’un lien social via un management bienveillant. Ces aspects ont des impacts économiques directs qui permettent de faire évoluer positivement les habitudes de travail et de collaboration.
Matthieu Birach, Chief People Officer de Doctolib confirme : « renforcer l’attractivité pousse les entreprises à se réinventer. Nous cherchons par exemple à réduire le temps dédié au recrutement. Actuellement de 30 jours en moyenne, nous essayons de le réduire à une semaine, sans baisser nos exigences et nos critères de qualité ».
Comment anticiper l’évolution des compétences par les RH ?
L’un des problèmes majeurs actuels réside dans le fait que les compétences peuvent rapidement devenir obsolètes. Ainsi le renouvellement des métiers doit pousser les organismes de formation à régulièrement revoir la nature de leurs enseignements. Jean-Christophe Morisseau, Directeur Général de Red Hat France, ajoute : « nous assistons à une pénurie structurelle des talents . Cela s’explique par le fait que le temps économique et académique ne se trouvent pas en adéquation. Ils sont même déconnectés. Le premier s’accélère alors que le second conserve son propre rythme ».
Dans ce cadre, l’absence de femmes dans le numérique est encore flagrant. Delphine Morandet-Thouviot insiste sur ce manque de représentativité dans le secteur. Pour encourager les reconversions et la formation, la responsable explique que des fiches pratiques éditées par Numeum sont disponibles à la consultation par les professionnels. Sur ce terrain, les experts confessent leur difficulté à attirer des femmes sur les postes particulièrement techniques pour tenter d’atteindre une parité.
Pour tenter de combler ce manque, des actions restent à mener au niveau de l’Education nationale pour le jeune public. Mais également au niveau des enseignements académiques. Le travail demeure donc prégnant. Une tâche à laquelle les entreprises du numérique et les RH s’attèlent au quotidien.
Olivier Robillart