Le marché des Assurtech se développe en France et en Europe. Un secteur aux plusieurs facettes en croissance forte grâce à de belles levées de fonds et un large potentiel d’expansion. A condition que le marché des assurances offre une maturité suffisante à ces entrants aux capacités technologiques fortes.
Appelés à constituer la prochaine révolution (ou disruption) technologique sectorielle, les Assurtech ou Insurtech représentent une source de développement et de croissance pour l’ensemble de l’écosystème du numérique. Un marché qui doit logiquement croître ces prochaines années. Toutefois, de nombreuses entreprises commencent seulement à « se faire les dents » sur le secteur et signent des levées de fonds structurantes.
Le marché des Assurtech connaît en effet actuellement une phase de maturation et a récemment passé une étape. Nombre de projets n’ont certes pas abouti ou fait faillite mais le secteur fait montre d’une innovation et d’un renouveau certains. Dernière expérimentation en date, celle de Fizzy, une assurance basée sur la blockchain propulsée par Axa. Lancée en 2017, elle proposait de couvrir automatiquement les retards d’avions supérieurs à deux heures. Une expérience qui n’a pas rencontré son public mais qui est le signe de la volonté d’innover de ce secteur.
Le domaine de l’assurance a en effet souffert durant plusieurs années d’un manque patent d’investissement, en particulier dans le domaine technologique. De quoi laisser la porte ouverte à plusieurs typologies de nouveaux acteurs. La phase de maturation des 3 dernières années de l’Assurtech a ainsi vu émerger plusieurs branches d’activité notables.
Les distributeurs d’assurance ou les courtiers proposent à présent de digitaliser l’expérience client alors que d’autres entreprises se positionnent sur le domaine du service ou de l’analyse des données afin d’apporter des solutions nouvelles aux acteurs traditionnels. Dans ce cadre, de nouveaux segments comme la distribution de l’assurance « as a Service » se sont développés via diverses formes comme la digitalisation du courtage en assurance ou bien encore la promotion de l’assurance collaborative.
Un écosystème… et de premières pépites
Un ensemble qui permet de faire éclore de premiers champions du secteur. Des acteurs qui proposent de renouveler les expériences ou d’apporter des innovations technologiques fortes. C’est par exemple le cas du néo-assureur Alan, qui s’est notamment positionné sur la verticale forte de la santé et du parcours de soin.
La société a ainsi levé 40 millions d’euros en février 2019. Depuis sa création, elle est parvenue à rassembler pas moins de 75 millions d’euros autour de sa solution d’assurance et de prévoyance. Son ambition est désormais d’atteindre 100 000 assurés pour 100 millions d’euros de primes à la fin de l’année. Alan se positionne en leader du secteur grâce au fait d’être la première société indépendante à obtenir un agrément d’assureur auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Un tel agrément n’avait pas été délivré depuis 30 ans.
La progression est similaire du côté de la start-up Luko. Elle est spécialisée dans l’assurance habitation en ligne a levé 20 millions d’euros dans le but d’accélérer son développement. La société qui dispose déjà de 20 000 clients, propose d’automatiser la gestion des sinistres dans le domaine de l’habitation. Un assuré va ainsi recevoir une proposition d’indemnisation en moins de deux heures, via l’éventuelle l’intervention d’un opérateur agréé.
Léa Joussaume, Directrice Brand & Comms de Luko explique : « Nous avons revu le modèle économique de l’assurance avec des frais fixes même si nous conservons le principe classique de la mutualisation des risques. Mais si un surplus demeure, il est reversé à une association choisie par le client. Nous développons donc un modèle vertueux qui ne nous permet pas de gonfler artificiellement notre marge ».
Agilité et fluidité
La société tente ainsi d’apporter une certaine « agilité et fluidité » à un secteur très réglementé et d’ores-et-déjà concurrentiel. Dans ce contexte, Luko, qui a souscrit 10 000 clients, ambitionne de réaliser une croissance annuelle de 40% avec un objectif de 100 000 contrats fin 2020. La start-up tente également de se développer dans le BtoB.
« Nous comptons diversifier nos activités en allant sur le terrain des assurances pour syndics et copropriétés. Il reste encore par exemple beaucoup à faire dans le domaine des garanties pour loyers impayés. L’assurance n’a pas encore connu de grande révolution mais Luko est actuellement en hyper-croissance », précise la responsable.
Les Assurtech sont donc résolument appelées à muter quand bien même il existe encore de nombreuses barrières réglementaires. Mais ces entités développent une vision de l’innovation qui leur est propre et profitent de la digitalisation des process en cours. Il demeure donc encore des freins évidents à leur développement comme le manque de personnalisation des assurances. Nombre de verticales ne demandent toutefois qu’à être adressées pour poursuivre le développement du secteur.
Un besoin d’innovation métier
Si ces Assurtech représentent sans conteste des réussites, il n’en demeure pas moins que l’innovation ne constitue en soi pas un unique argument. Philippe Simon, CEO de Cegedim Insurance Solutions précise à ce titre : « l’UX est-elle suffisante pour s’imposer et se distinguer aujourd’hui ? Si Alan a su se démarquer en devenant la première assurance “mobile first”, je souhaiterais y voir plus d’innovations métier, qu’elles soient propres au domaine assurantiel ou au domaine des services. Car selon moi, une UX – aussi parfaite soit-elle – doit être au service d’offres produits et services innovants, afin de pouvoir se distinguer sur le long terme ».
La digitalisation du parcours client et des nouveaux comportements des consommateurs constitue un intérêt majeur, à condition de renouveler également la promesse en termes de produits et de services. Un enjeu particulièrement probant dans le BtoB. Les acteurs du secteur doivent en effet apprendre à être agiles alors que beaucoup d’entre eux ont sous investit en technologie ces dernières années.
Toujours est-il que le secteur est appelé à se transformer dans la mesure où la technologie implémentée peut permettre à une entreprise de produire une valeur ajoutée supplémentaire. Le développement de ces entreprises devrait donc se poursuivre dans les années à venir, en particulier lorsque leurs offres s’adressent à des professionnels.
Le BtoB en pointe
Outre les assurances destinées au grand public, les Assurtech spécialisées pour les professionnels ont également le vent en poupe. Shift Technology déploie à ce titre une technologie de détection de la fraude à l’assurance. L’outil, destiné aux professionnels du secteur, a levé 60 millions de dollars (pour un total de 88 millions d’euros depuis sa création) pour diffuser l’intelligence artificielle dans l’assurance. A date, pas moins de 70 assureurs de par le monde utilisent les algorithmes de la société française.
Christophe Gautié, dirigeant et fondateur d’Apollo Courtage explique : « Le marché de l’assurance est, somme toute, demeuré assez traditionnel d’un point de vue strictement technologique et des process. Certaines apportent de la valeur lorsqu’elles permettent d’automatiser un certain nombre de choses qui prennent du temps. La société Akur8 par exemple a réussi à modéliser le travail des actuaires, lesquels définissent des modèles économiques sur les primes vis-à-vis des risques. Les modèles sont ainsi calculés en quelques heures et il existe de nombreux gisements d’innovation dans ces domaines-là. C’est pourquoi la technologie peut permettre de réaliser de nouvelles avancées innovantes et de mettre fin aux process et actions rébarbatifs ».
Les sociétés de l’Assurtech ont ainsi toutes les clés en main pour déployer de nouvelles innovations de toute nature qu’elles soient afin de définir un nouveau champ des possibles. Un terreau fertile dans la mesure où les assureurs disposent de nombreuses données sur leurs propres clients. Une utilisation encadrée mais pertinente de ces dernières contribuera, à coup sûr, à développer davantage le secteur.
Olivier Robillart