Le salon dédié à l’intelligence artificielle a rassemblé près d’un millier de professionnels, experts du sujet, au travers d’une journée complète de débats et de keynotes. Un AI France Summit 2020 au travers duquel la question de l’implémentation de l’IA au sein des activités a été centrale.
Lors de l’AI France Summit 2020, l’ensemble des professionnels, experts, entreprises spécialisées ou même élus mettent en avant l’intelligence artificielle comme représentant un levier de croissance conséquent de l’activité économique. Cet événement, organisé par TECH IN France sous le haut patronage du secrétariat d’Etat en charge du numérique, le 5 mars au ministère de l’Economie et des Finances, a permis de recueillir le témoignage de nombreux experts du domaine.
Le constat de la maturité des professionnels face à l’intelligence artificielle s’impose en premier lieu. A ce jour, plusieurs secteurs sont en effet appelés à utiliser fortement la technologie. Parmi les domaines en pointe figurent la santé, l’industrie, les services financiers ou bien encore le retail.
Pierre-Marie Lehucher, Président de TECH IN France, organisme qui rassemble 400 entreprises adhérentes : de la startup à la multinationale en passant par la PME et les grands groupes français, explique : « L’IA est devenue un bien commun des entreprises, ce qui fait l’écosystème de la croissance. Il est clair aujourd’hui que la technologie est couramment adoptée par les entreprises, ETI, start-ups. Chacun investit à sa hauteur dans le domaine, ainsi des réussites fabuleuses ont été rendues possibles grâce à l’intelligence artificielle. C’est même une occasion efficace de rebond économique pour l’ensemble des acteurs du numérique ». L’organisme rassemble en outre les professionnels du secteur autour d’un groupe de travail dédié.
Le mot d’ordre est donc lancé. Le secteur, dans sa grande majorité, a conscience de l’importance de la technologie, en particulier de tirer la substantifique moelle des données dont chaque entreprise dispose. Une vision partagée par Thomas Courbe, Directeur général de la direction générale des entreprises : « Le défi est d’arriver à une régulation éthique, adaptée et agile de la technologie. Cela doit se faire avec des exigences différentes entre le B2B et le B2C. Pour y parvenir, il est important d’instaurer confiance technologique et juridique. Il s’agit véritablement là d’un élément de différenciation pour les clients. »
Une roadmap pour innover
Dans ce cadre, la principale question que se posent les professionnels est d’être à même de disposer d’une roadmap pour innover. Pour y parvenir, il convient de mêler la recherche scientifique aux intérêts des entreprises. Une sensibilisation réciproque nécessaire dont de nombreux jalons ont d’ores-et-déjà été posés estime Bruno Sportisse, PDG de l’INRIA. « La question du croisement de toute l’expertise accumulée par le tissu industriel à la simulation et aux données recueillies par les capteurs intelligents est extrêmement intéressant en termes de business », explique le responsable.
Un propos que soutient Yves Demazeau, Président de l’Afia (Association française pour l’intelligence artificielle) : « Le discours autour de l’IA n’est pas qu’académique mais également industriel. Nos études montrent que 83% des projets qui ont conduit à l’innovation vient des personnes qui ne se connaissaient pas auparavant. Je demeure persuadé qu’il faut créer de nouvelles passerelles entre les différents univers », précise-t-il.
Des réelles opportunités
Autant d’opportunités autorisées par l’intelligence artificielle dont une partie des professionnels se sont déjà saisis. « Le corpus des données financières, RH ou commercial est désormais conséquent. Il faut à présent être certain que la qualité des données est au rendez-vous, conforme aux règles fiscales et comptables en vigueur afin d’automatiser le contrôle de cohérence », confirme André Brunetière, Chief Product Officer de Cegid.
A l’appui de ces positions, PwC présente en exclusivité à l’occasion de l’AI France Summit 2020, la 3ème édition de son étude « IA Predictions ». Le document met en avant le fait que pas moins de 9 dirigeants sur 10 estiment que l’IA représente davantage d’opportunités que de risques. La moitié des sondés considèrent à ce titre que cette même technologie va contribuer à rebattre les cartes de leur secteur.
La France n’est donc pas en reste dans le domaine. Cédric O, secrétaire d’Etat en charge du numérique explique : « sur les données BtoC, l’avance de certains sera difficile à rattraper. Mais la force française est de disposer d’un savoir-faire métier dans la mobilité, la cybersécurité, la santé…. ce qui permettra de jouer dans la cour des grands. Les grandes entreprises du monde redessinent les rapports de force ».
Vers une intelligence artificielle certifiée ?
Pour épauler le développement de la technologie, il convient d’en maîtriser les évolutions. Tout du moins d’y apporter une transparence suffisante afin d’en connaître les effets à moyen et long terme. Dès lors comment anticiper et corriger les biais éthiques possiblement créés par ces mêmes intelligence artificielles et algorithmes ? Une problématique à laquelle s’attachent à répondre un parterre d’experts.
Pour Jérôme Boissou, ELIOT IoT Program Project Leader au sein de Legrand, il est davantage pertinent de mettre en avant la notion de normalisation, plutôt que la certification. « La normalisation est importante mais la priorité demeure la sécurité de la donnée. Elle est identique à la vigilance apportée aux installations électriques. L’important est de pas mettre à mal la protection des personnes. A mon sens, l’interopérabilité demeure la clé car elle permet de faire se rencontrer des offreurs de services. Il s’agit de faire en sorte que tout le monde puisse parler ensemble », explique-t-il.
Réguler la finalité et non les moyens
L’importance d’imposer un cadre, pas forcement strict, de développement demeure un élément permettant de faire croître l’ensemble du secteur. Damien Roux, Customer Engineer pour Google Cloud France ajoute : « Le RGPD a eu un impact mondial. Il a sécurisé les consommateurs et a eu un fort impact éducatif. Au sein de Google, nous mettons en place de nombreux moyens d’autorégulation au sujet de principes éthiques de l’IA et de prise de conscience à propos de la variété des régulations différentes sur le sujet. Le marché se trouve actuellement dans une phase dans laquelle il s’interroge sur le cadre éthique et juridique de l’IA. Un stade qui démontre de sa maturité ».
Il est donc évident qu’il convient davantage de réguler la finalité de la technologie plutôt que ses moyens. Comme le souligne notamment Ronan Bars, dirigeant d’Eurodecision, un algorithme peut avoir un but sécuritaire mais peut également servir à des tâches plus « basses » et, de facto, moins critiques.
Un point soutenu par la députée LREM Isabelle Rauch : « je veux minimiser les risques pour les entreprises. Il est fondamental de les accompagner dans leur innovation. La maturité s’acquiert au fur et à mesure. Les cadres réglementaires doivent évoluer en conséquence ».
Le travail du futur et le futur de l’IA
Le constat est évident. De nouvelles fonctions apparaissent à mesure que certaines professions sont appelées à être modifiées en profondeur. Dès lors, l’anticipation de ces transformations apparaît comme un enjeu de premier ordre.
Elodie Champagnat, Director, Global Presales and Product Marketing pour Talentsoft clarifie le sujet : « Nous n’assistons pas à la fin du travail mais réellement à une opportunité de fournir les bonnes questions aux personnes qui le demandent. Nous sommes légitimes des datas fiables et pertinentes. L’objectif donné à l’IA est d’augmenter la capacité des salariés pour aider les compétences qu’ils doivent améliorer ».
L’intelligence artificielle demeure donc incontestablement transversale. Sans opposer l’humain et la machine, chaque élément de cette chaîne dispose de sa véritable utilité. A présent, la réflexion qui a cours au sein des branches professionnelles et des entreprises est celle du travail augmenté. Cela permet au collaborateur de se concentrer sur la partie qualitative de son métier.
A titre d’exemple, le secteur de legal tech profite pleinement de cet essor. Sonia Cissé, Avocate Counsel, Département TMT/IT, Linklaters Paris explique : « l’IA apporte de nouveaux usages, un nouvel état d’esprit. L’utilisation des legal tech optimise le travail des avocats. Notamment sur des grosses opérations de m&A en scannant des milliers de documents ».
Une IA de confiance
Dans le prolongement de la publication du livre blanc de la Commission européenne portant sur une approche communautaire axée sur l’excellence et la confiance, les institutions entendent promouvoir un cadre global de développement de la technologie. Invitée par TECH IN France, Vera Jourova, vice-présidente de la Commission européenne en charge des Valeurs et de la Transparence rappelle en quoi les visions peuvent être communes.
« Les écoles et les lieux de formation ne doivent pas permettre que s’érigent des barrières à l’enseignement numérique. Nous avons initié le plus ambitieux des programmes d’investissement européens du secteur. Il demeure pour cela important de travailler de concert avec les instances européennes. Cela permet d’avancer plus rapidement que si chacun optait pour la voie de l’isolation », précise-t-elle.
François Lhemery, Vice President Regulatory Affairs de Criteo, ajoute durant l’AI France Summit : « Le partage des données est important. Elles représentent des actifs essentiels. Elles ont de la valeur pour le monde de la recherche et pour ceux qui veulent travailler sur ces datas ».
Pour parvenir à ce point, Sébastien Massart Head of corporate strategy au sein de Dassault Systèmes indique qu’il conviendra de développer des « standards d’interopérabilité et de sécurité. La certification SecNumCloud nous permet de dire que l’on utilise la donnée dans des conditions de souveraineté absolue. Nous disposons à présent d’un réel cloud souverain français, ce qui participe à la confiance commune. Il convient à présent de faire en sorte que cette standardisation s’impose au niveau européen ».
Olivier Robillart